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 ments. L'élève qui en serait pénétré n'irait pas, comme cela
 arrive presque toujours, risquer l'avenir de ses forces, de Sft
 vie et de son intelligence au sein de jouissances illicites ou du
 moins constamment prématurées. Retenu par une intimida-
 lion salutaire, il respecterait davantage les facultés de son
 propre corps et n'emploierait pas â sa ruine les premiers
 instants de sa liberté. Un des malheurs de notre époque et
 dont la jeunesse surtout a la triste expérience, c'est la
 recherche du bonheur dans l'infini de la sensation, dans la
 variété et la nouveauté des excitations. On pense, en effet,
 que cette admirable propriété dont l'homme est si richement
 doué, la sensibilité, recèle des trésors inépuisables; qu'on
 aura beau y puiser, toujours on y trouvera quelque chose.
 C'est un préjugé funeste que de saines notions de la physio-
logie de l'homme auraient pour effet de détruire. Elle dé-
 montre que nos sensations s'affaiblissent par leur continuité
 et qu'elles ne nous laissent à la fin que le souvenir fatigant
d'une existence vive qui nous échappe sans cesse et que sans
 cesse nous cherchons à rappeler. Comme la fermentation ai-
grit insensiblement les liqueurs, cette disposition altère en
nous les dispositions les plus suaves de la nature et nous
rend aujourd'hui nécessaire ce dont hier nous aurions frémi.
Les jeux du cirque, dit un profond observateur, dans lesquels
les gladiateurs se retiraient après avoir reçu quelques bles-
sures, parurent bientôt insipides aux dames romaines. On vit
le sexe, fait pour la pitié, poursuivre à grands cris les com-
battants. On exigea dans la suite qu'ils mourussent avec
grâce, dit l'abbé Dubos, et cette barbarie devint nécessaire
pour achever l'émotion et compléter le plaisir (1). Cet
exemple résume à merveille les accidents inévitables aux-
quels s'expose la créature humaine qui donne trop d'intensité

  (1) G. LEROY. Lettres sur l'intelligence des animaux, in-12, p. 213.