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484 ments. L'élève qui en serait pénétré n'irait pas, comme cela arrive presque toujours, risquer l'avenir de ses forces, de Sft vie et de son intelligence au sein de jouissances illicites ou du moins constamment prématurées. Retenu par une intimida- lion salutaire, il respecterait davantage les facultés de son propre corps et n'emploierait pas â sa ruine les premiers instants de sa liberté. Un des malheurs de notre époque et dont la jeunesse surtout a la triste expérience, c'est la recherche du bonheur dans l'infini de la sensation, dans la variété et la nouveauté des excitations. On pense, en effet, que cette admirable propriété dont l'homme est si richement doué, la sensibilité, recèle des trésors inépuisables; qu'on aura beau y puiser, toujours on y trouvera quelque chose. C'est un préjugé funeste que de saines notions de la physio- logie de l'homme auraient pour effet de détruire. Elle dé- montre que nos sensations s'affaiblissent par leur continuité et qu'elles ne nous laissent à la fin que le souvenir fatigant d'une existence vive qui nous échappe sans cesse et que sans cesse nous cherchons à rappeler. Comme la fermentation ai- grit insensiblement les liqueurs, cette disposition altère en nous les dispositions les plus suaves de la nature et nous rend aujourd'hui nécessaire ce dont hier nous aurions frémi. Les jeux du cirque, dit un profond observateur, dans lesquels les gladiateurs se retiraient après avoir reçu quelques bles- sures, parurent bientôt insipides aux dames romaines. On vit le sexe, fait pour la pitié, poursuivre à grands cris les com- battants. On exigea dans la suite qu'ils mourussent avec grâce, dit l'abbé Dubos, et cette barbarie devint nécessaire pour achever l'émotion et compléter le plaisir (1). Cet exemple résume à merveille les accidents inévitables aux- quels s'expose la créature humaine qui donne trop d'intensité (1) G. LEROY. Lettres sur l'intelligence des animaux, in-12, p. 213.