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165 »n Brillant fantôme, ils pleurent d'avoir perdu ce qu'ils ne possédaient pas. » Voilà bien ce que chacun de nous éprouve, mais nous n'avons pas tous le temps et la patience d'écouter ainsi nos regrets 5 le tourbillon des affaires nous emporte. Bien peu d'ailleurs raconteraient leurs émotions avec une vérité si touchante. Là , point de phraséologie, point de recherche, pas un mot ne manque, mais aussi pas un mot de trop. L'auteur ne demande rien à son imagination, il laisse aller son cœur. Vous le voyez, Topffer suit, de sa propre inspiration, le précepte des grands maîtres de la poésie ; il s'occupe peu du présent désenchanté, néglige les ambitieuses spé- culations de l'avenir, se replie sur le passé, et le recons- truisant tout entier dans sa mémoire, s'y repose en souriant quelquefois, en y versant le plus souvent de douces larmes, en le regrettant toujours. Il n'est pas un sujet de ses nouvelles qui ne soit pris aux fraîches émotions de l'enfance et de la jeunesse 5 là Topffer se trouve à l'aise, parce que son ame religieuse ne veut connaître ni la haine, ni la colère 3 elle nous inté- resse à tout ce qu'elle aime, à tout ce qu'elle fait vivre ; depuis son vieil oncle jusqu'au nuage qui fuit et se méta- morphose en mille images dans l'azur du ciel, depuis la jeune fille qui eut les premiers battements de son cœur jusqu'à l'insecte qui, « sous la mousse humide, toute par- semée d'imperceptibles fleurs, se promène dans un petit monde de montagnes, de vallées, d'ombrageux sentiers. » C'est encore là que dans une contemplation tranquille, il amasse ces trésors de minutieuses remarques que plus tard il saura revêtir d'une forme philosophique et dramatique. Topffer est en littérature ce que Téniers est en peinture,