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 qui ne ressuscite que le jour d'une révolution; c'est en-
 core moins la domination d'une caste, d'un corps. C'est
 quelque chose qu'on ne peut ni mesurer, ni compter, qui
 existe en bas comme en haut, dans toutes les parties de la
 société, le résultat du jugement public. Les électeurs, pla-
 cés dans le sein de la société, en sont les témoins, les ar-
 bitres, et c'est par eux que ce quelque chose d'abstrait,
 dans son origine, devient positif, fatal, irrésistible. Les
 électeurs ne tirent pas leurs droits d'eux-mêmes, comme un
 corps aristocratique; ils ne sont pas institués dans leur
 propre intérêt, mais pour rendre témoignage du droit
 de tous, et de l'intérêt de tous. En un mot, ils sont les ju-
 rés de cette opinion, de cette raison collective. Voilà pour-
quoi la bonté d'une loi électorale ne doit pas résulter de
ce qu'elle appelle ou n'appelle pas tous les citoyens, moyen
qui très certainement donnerait un résultat très faux, mais
de ce qu'elle constitue le corps électoral de façon à repré-
 senter plus ou moins fidèlement la pensée nationale.
   Or en ceci, quel est le droit de l'individu? C'est de con-
courir en toute liberté et par tous les moyens possibles, à
former cette opinion, et d'agir sur elle, d'essayer de la mo-
difier, et de faire adopter son jugement particulier. Telle
est la cause pour laquelle le régime constitutionnel met la
liberté delà presse en tête de tous les droits qu'il garantit
aux citoyens. Ainsi par la liberté de la presse, le citoyen
peut faire prévaloir ce qu'il juge être le vrai, l'utile; sa
pensée une fois adoptée devient le jugement public, qui
pénètre dans les pouvoirs et domine par la seule puissance
morale. Otez ce droit, et vous n'avez plus qu'un gouverne-
ment unipersonnel, si c'est là pensée d'un chef qui pré-
vaut, ou un gouvernement d'aristocratie, si c'est un parle-
ment. Maintenez-le, et vous aurez constitué la souveraine-