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392 qui ne ressuscite que le jour d'une révolution; c'est en- core moins la domination d'une caste, d'un corps. C'est quelque chose qu'on ne peut ni mesurer, ni compter, qui existe en bas comme en haut, dans toutes les parties de la société, le résultat du jugement public. Les électeurs, pla- cés dans le sein de la société, en sont les témoins, les ar- bitres, et c'est par eux que ce quelque chose d'abstrait, dans son origine, devient positif, fatal, irrésistible. Les électeurs ne tirent pas leurs droits d'eux-mêmes, comme un corps aristocratique; ils ne sont pas institués dans leur propre intérêt, mais pour rendre témoignage du droit de tous, et de l'intérêt de tous. En un mot, ils sont les ju- rés de cette opinion, de cette raison collective. Voilà pour- quoi la bonté d'une loi électorale ne doit pas résulter de ce qu'elle appelle ou n'appelle pas tous les citoyens, moyen qui très certainement donnerait un résultat très faux, mais de ce qu'elle constitue le corps électoral de façon à repré- senter plus ou moins fidèlement la pensée nationale. Or en ceci, quel est le droit de l'individu? C'est de con- courir en toute liberté et par tous les moyens possibles, à former cette opinion, et d'agir sur elle, d'essayer de la mo- difier, et de faire adopter son jugement particulier. Telle est la cause pour laquelle le régime constitutionnel met la liberté delà presse en tête de tous les droits qu'il garantit aux citoyens. Ainsi par la liberté de la presse, le citoyen peut faire prévaloir ce qu'il juge être le vrai, l'utile; sa pensée une fois adoptée devient le jugement public, qui pénètre dans les pouvoirs et domine par la seule puissance morale. Otez ce droit, et vous n'avez plus qu'un gouverne- ment unipersonnel, si c'est là pensée d'un chef qui pré- vaut, ou un gouvernement d'aristocratie, si c'est un parle- ment. Maintenez-le, et vous aurez constitué la souveraine-