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« On ne bat jamais ce qu'on aime que pour le caresser (1),
et ce vieux proverbe, de la sagesse des nations : Oui bene
amat, bene castigat.
   C'est d'après toutes ces autorités respectables que nous
avons cru pouvoir traiter la question : Faut-il battre sa
maîtresse ? — Oui, dirons-nous, car l'usage d'accord ici
avec le raisonnement doit faire loi.
   Il ne nous eut pas plus coulé de traiter en même temps
de l'usage de battre son amant, et de réunir les deux ques-
tions de droit en une seule. Mais comme l'ingénieux Gros-
ley, nous avons pensé qu'il était de la belle galanterie de
céder en toutes choses aux dames le partage le plus avan-
tageux.
   Ici se présente à l'esprit de tous les penseurs, une autre
grave question : A quoi tient ce vif sentiment des femmes
pour les hommes qui les battent ? Quelles mystérieuses
causes peut-on assigner à ces paroxismes de l'amour?
   Pour des amants d'une certaine pruderie, neufs, timi-
des, inexpérimentés, pour d'honnêtes bourgeois au cœur
simple, sans excentricité, je conçois qu'il y ait là de quoi
renverser toutes les idées qu'ils se sont faites sur l'amour;
car le cœur de la femme, comme on l'a dit, est souvent
une indéchiffrable énigme et l'amour aussi. Platon a mer-
veilleusement deviné ces deux énigmes-là.
   Quand ce philosophe voyait un homme amoureux, il
disait : « cet homme-là est mort à lui-même, c'est l'ame
de sa maîtresse qui l'anime. Cela posé, dit avec beau-
coup de sens le petit livre dont je vous ai parlé, « il n'y a
plus à s'étonner de ce qu'une femme fait si aisément la
paix avec l'amant qui vient de la battre, puisqu'en quelque

   (1) Charles Girard, Commentaires sur la comédie de Plulus.