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qu'il produit, mais parce qu'il est une violation de la loi
de justice.
   Le caractère de réprobation morale s'atlache-t-il aussi à l'ac-
tion de celui qui, sur le point de manquer du nécessaire, aura
enlevé à un autre une légère prélibation de son superflu ? Peut-
être répondrons-nous négativement; mais alors nous n'appli-
querons pas la répression pénale que demande M. Gilardin. Il
n'appartient qu'au stoïcisme brutal des doctrines qui p r e n -
nent exclusivement pour guide l'utilité civile et politique, en
la séparant de la justice d'où elle dérive, de punir comme cri-
minel le malheureux q u i , pour ne pas mourir, aurait dérobé
une miette de la table du riche. — Oui, dans de rares excep-
tions, le vol peut être absous, mais , le plus souvent, il
constitue dans nos sociétés une véritable infraction à la loi
morale, et s'il occasionne du trouble dans l'ordre social, c'est
qu'il est au fond une violation de l'ordre divin.
   Il y a des devoirs qui, fondés sur des rapports immuables et
des conditions permanentes, sont universels et éternels de
leur nature. Il en est d'autres qui, naissant de rapports transi-
toires et de conditions temporaires, n'existent qu'à certains
points de la durée et de l'espace ; mais les uns et les autres
n'en sont pas moins imposés aux êtres, au nom de la justice
absolue. Ceci n'est point une vaine subtilité, mais bien une vé-
rité incontestable, et quoi qu'en ait dit l'auteur de VElude, un
fait postérieur ne peut jamais rendre illicite, dans l'ordre social
comme dans l'ordre divin, ce qui était antérieurement légi-
time. Ce qui est juste a priori ne peut jamais devenir injuste
a posteriori.
   M. Gilardin a voulu concilier deux systèmes opposés ; il a
pris, d'un côté, lesprémisses de lajustice pure, absolue, de l'au-
tre les conséquences des principes empiriques ; et il a essayé
de greffer celles-ci sur celles-là ; on a vu comment le nœud
fragile, avec lequel il avait voulu les réunir, se brisait dans
ses mains.
   Pour juger jusqu'à quel point le mal civil et politique impli-
que le mal moral, ce n'est pas du point de vue exclusif du
pouvoir qu'il faut examiner ce qui est nuisible ou utile à
la société, mais du point de vue de l'ordre universel et di-
vin ; de même que pour juger quel est le droit et le devoir de
l'individu, ce n'est pas de son point de vue personnel qu'il
faut étudier ce qui lui est nuisible ou utile, mais du point de
vue de l'ordre social, de l'ordre absolu. — L'intérêt social ou
individuel, même bien entendu, n'est pour la société ou pour
l'individu qu'un bien particulier, et non pas le bien en soi ;
l'idée du bien en soi résume une fin profondément imperson-