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    Ce raisonnement est parfaitement semblable à celui de Ben-
 tham et des autres philosophes dont l'auteur de VEtude a précé-
demment combattu la doctrine. L'utile, disent-ils, ne p e u t ê t r e
qu'essentiellement bon ; c'est le nuisible seul qui est au fond
le mal ; d'où ils concluent que l'intérêt bien entendu doit être
donné pour base à la morale. Sans doute, aussi, peut-on répli-
quer à M. Gilardin, le mal civil et politique, lorsqu'il est réel,
implique le mal moral. Mais ce n'est pas par la raison qu'il y
a trouble dans la société que le mal existe ; c'est bien plutôt
pareeque le mal existe, qu'il y a trouble dans les relations
sociales; c'est la violation aux lois de la justice qui a introduit
et qui conserve la douleur dans le monde.
    Le mal civil et politique, de même que le mal individuel
peut être le signe et le produit du mal m o r a l , mais il n'en est
pas le principe même.[L'utilité sociale bien entendue peut être
pour le pouvoir un guide non trompeur, de même que l'uti-
lité individuelle bien entendue peut être pour le citoyen la r é -
vélation du devoir, sinon la loi même du devoir. Mais il y a
au fond erreur dans la spéculation, danger dans la pratique
à prendre la conséquence pour le principe, l'effet pour la
cause, le signe pour la réalité.
    Cette théorie a évidemment pour but de démontrer que les
délits politiques commis ou tentés, soit par le fait ou seule-
ment par l'usage de la parole, doivent être considérés comme
objet légitime du droit de punir, alors même que dans le con-
flit des époques transitoires on ne distinguerait pas toujours
si le pouvoir publique a conservé la tradition du droit social.
Dans une semblable doctrine, ce n'est pas par le droit du plus
fort que tombe jamais une victime politique ; quand elle monte
sur l'échafaud, elle essuyé non le sort du martyr ou du vaincu,
mais celui du coupable : le bourreau n'exerce pas le droit du
vainqueur, mais le droit de punir.
    Aussi la plupart des autres délits ou des crimes cités par
M. Gilardin, comme exemple de délits dénués de tout carac-
tère de violation à la loi morale, sont-ils assez mal choisis.
Pour ne parler que de l'exemple le plus hardi présenté par
l'auteur de VEtude, le vol qu'il veut dépouiller de tout élément
positif d'immoralité, est évidemment une violation d e l à jus-
tice. Le vol constilue-t-il, de toute nécessité, directement, en
lui-même un mal moral? Won, répond M. Gilardin, attendu
que la propriété est d'institution civile. Sans examiner celte
question de la propriété, demandez au sens commun, si dans
les sociétés où la propriété est la condition, l'extension de la
personnalité, le vol est un mal moral ; le sens commun vous
répondra affirmativement ; il vous dira que si le vol peut être
l'objet du droit de punir, ce n'est pas à cause du dommage