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895 suivent pas l'impulsion des intérêts communs? Dans les démocraties anciennes, mi orateur du haut de la tribune entraînait le peuple souvent par la surprise d'une parole éloquente et passionnée. Il n'y avait point d'intervalle entre les émotions de la harangue et le plébiscite. Si l'on suppose un peuple vif et léger par son caractère, plus artiste que politique, sensible à la beauté de la forme, aux charmes du style et à l'entraînement de l'action, on concevra que ce peuple dans ses délibérations se rende au plus beau diseur, plutôt qu'au plus utile et au plus véridique, Mais la presse n'admet pas cette surprise. Plus générale dans son effet que la parole, elle est aussi plus lente. Elle ne tombe pas vive, passionnée, au milieu d'une foule assemblée qui va délibérer et se résoudre instantanément. Elle ne provoque aucune délibération, aucune décision. Elle s'adresse aux esprits dans le calme et le silence, ne provoque que la ré- flexion, et attend le mouvement graduel de l'opinion pu- plique qui se compose ou se modifie. On dirait, à entendre certaines déclamations, qu'il suffit d'écrire dans un journal pour renverser un pouvoir. Ce qu'il y a de certain, c'est que ce pouvoir peut, par le pre- mier venu, être censuré, critiqué, (à tort ou à raison, car j'examine ici le fait et non le droit) 5 qu'on peut abuser contre lui de l'instrument de discussion, le diffamer, le calomnier. Témoins tous les jours de ces abus de la presse et peu habitués encore à ces nécessités de notre forme so- ciale, nous sommes portés à plaindre ce pauvre pouvoir et à le croire mort parce qu'il est attaqué. Mais rassurons- nous 5 il faut plus que cela pour le faire tomber. Les écri- vains ne disposent ni des portefeuilles des ministres, ni des votes des chambres. L'ojîinion publique seule peut s'emparer de l'idée émise, et elle ne la fait pas triompher