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d'en venir aux coups ? il faut, vraiment, que ce petit mons-
tre ait été changé en nourrice ! Vous me connaissez assez,
George, pour qu'on ne puisse pas raisonnablement, me
reprocher d'être mauvaise mère. — Et Louise ne tarissait
plus sur ce qu'elle trouvait à reprendre au pauvre enfant.
   Tant de remontrances et tant d'écrits anonymes arri^
vèrent du dehors au maître fileur, sur cette indigne con-
duite de sa femme, que l'autorité de chef de famille s'irrita
malheureusement chez George, de ce qu'on s'immisçait
dans ses affaires domestiques, et ce fut à ce point que le
maître fileur finit par partager, lui aussi, la haine de la
mère vis-à-vis de l'enfant.
   — Ce petit misérable nous brouille avec toute la ville.
Quelle croix ! Il me fera perdre mes meilleures pratiques;
quand je vais aux offices les amis m'évitent. Si le bon Dieu
nous l'enlevait, il serait tout pleuré.—
   Et George, depuis lors, n'intervenait plus lorsque
Louise maltraitait l'enfant. Et c'était toujours sans raison
qu'elle le frappait; il {allait le lui arracher, et pour éviter
un malheur, enfoncer les portes, si par hasard elle s'enfer-
mait, pour lui administrer ce qu'elle appelait des corrections
à sa manière.
   L'enfant était trop faible pour fuir, il ne parlait point
encore. Cependant les voisins le surprenaient de temps en
temps sur le pas de la porte, pleurant et saignant par le
nez. On se le repassait dans le quartier, on se montrait
des uns aux autres ses petites épaules noires de coups. Et
les parents, furieux de cette investigation, faisaient ensuite
payer cher à leur victime tout ce qu'avait d'irritant pour
eux la compassion d'autrui.
  Par surcroît de misère, l'intérêt qu'inspirait cet enfant
tournait toujours contre lui. A la fin on ne le frappait plus