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q u ' à la tête pour ne pas laisser de traces de tous les coups
q u ' i l recevait dans le m a n o i r . Louise et George voulaient
ainsi n e pas d o n n e r satisfaction à ce qu'ils disaient être
l'espionnage d u quartier. Mais le quartier était toujours
assez bien informé par les filles du moulin de ce q u i se
passait chez le fileur.
•— George est t r o p b o n p o u r sa femme, il se laisse m e -
n e r 5 — e t l'on parlait p o u r les prochains Caramentrants
d'une chevauchée de l'âne. — Q u a n t à elle, ajoutait-on,
puisqu'elle ne l'a pas n o u r r i , elle n'aimera jamais cet e n -
fant. — E t l ' o n c i t a i t u n e foule d'exemples de tels sentiments
éprouvés de la p a r t de mères, b o n n e s et excellentes p o u r
ceux de leurs enfants qu'elles ont n o u r r i s , dures et
cruelles jusqu'Ã la fureur envers ceux qu'elles n ' o n t pas
allaités.
L'enfant, continuellement frappé à la tête, devint sourd
en bien peu de temps. Cette surdité, survenue à u n âge si
t e n d r e , le rendit muet, il n'avait pas eu le temps d ' a p -
p r e n d r e à parler ; l'intelligence des sons lui devint i m p o s -
sible. M u e t , il n'avait plus ensuite que ses gestes p o u r
r e n d r e ses douleurs. Muet, il n ' e n devint que plus détes-
table pour ses p a r e n t s . Les autres enfants du quartier n e
songèrent plus q u ' à le contrefaire et à r i r e de lui. Cette
infirmité lui fit p e r d r e de cet intérêt si t e n d r e q u i s'atta-
chait à sa position. La vivacité de ses gestes, l'action d'une
physionomie toujours animée, ses petites impatiences,
l'expression inachevée et incomplète de ses sensations d i -
verses, cette sauvage et gutturale accentuation familière
aux muets, et qui effraye, tout donnait le change sur son
caractère, altérait la régularité de ses traits, et l'aversion
de sa m è r e semblait se justifier (1),
(1) Pendant les siècles qui précédèrent l'établissement des asiles consacrés
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