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   La femme du fileur était une personne que générale-
ment on estimait. Douce et bonne pour son mari et encore
plus pour ses deux autres enfants, aumonieuse même, les
recteurs de l'hospice l'employaient souvent à des œuvres
de charité auprès des jeunes filles que la séduction avait
rendues mères ; et à la vue de ces soins tout de cœur et
qu'elle savait si bien prodiguer, nul au pays ne pouvait
s'expliquer les mauvais traitements qu'elle faisait essuyer
au petit ange; et comme ces mauvais traitements ne fai-
saient qu'augmenter, les premières observations sur sa con-
duite lui vinrent d'abord de son mari ; ses parents enché-
rirent sur ces premières remontrances, et puis le voisinage
s'en mêla ; mais rien n'y fit. Cette intervention, au con-
traire, accrut de plus en plus l'aversion qu'elle éprouvait
pour son dernier né, laquelle bientôt n'eut plus de
bornes.
   Cette aversion était, à ce qu'il paraît, une de ces haines
 qu'on ne maîtrise ni qu'on ne saurait comprendre, elles
sont un sort.
   — Mais, Louise, lui disait souvent son mari, mais cet
enfant n'a pas demandé à venir au monde, gardons-le tel
que le ciel nous l'a donné. Pourquoi d'injustes préférences?
et pourquoi, surtout, ces privations qu'il endure? il ne
mange que nos restes ; il est mal vêtu ; on le bat souvent
à la maison; il n'y a que les voisins qui le plaignent.
Pauvre petite créature ! •— Et en disant cela, le maître fi-
leur allait à l'enfant et le serrait dans ses bras.
   — George, lui répondait sa femme en le lui ôtant,
vous faites donc cause commune avec toutes les personnes
qui ont pris à tâche de me contrarier ? Vous leur donnez
raison, et cet enfant vous le rendez indocile : s'il n'avait
pas des vices et des défauts marquants, serais-je obligée