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309 admiration pour l'intrépide mortel qui serait allé sans bron- cher de la première à la dernière page de l'Astrée. Oh ! quel vaste sujet de méditation pour les romanciers d'aujourd'hui ! Quel triste retour, et il est aisé de le prévoir, n'attend pas la très grande partie d'entre eux, y compris même les d'Urfé du moment ! Pierre Camus, évêque de Belley, raconte diverses particu- larités sur l'Astrée et sur leurs communs rapports avec saint François de Sales. Les deux évêques professaient la même es- time pour le roman, et cela n'étonne point de la part de Mgr. Camus, le plus fécond romancier des temps passés, présents et futurs ; mais le bon saint François de Sales, il s'y laissait prendre aussi ! « Outre le conseil de noire bienheureux père, qui me don- na, comme de la part de Dieu, la commission d'escrire des histoires dévotes, ce bon seigneur, dit Mgr. de Belley, n'eut pas peu de pouvoir par ses persuasions d'y animer mon ame, me protestant que s'il n'eust point esté de la condition dont il estoit,pour une espèce de réparation de son Aslree, il se fut volontiers adonné à ce genre d'escrire, auquel il avoit beau- coup de talent. El certes qui considérera bien l'Astrée, et en jugera sans passion, recognoistra qu'entre les romans et li- vres d'amour, c'est possible l'un des plus honnestes et des plus chastes qui se voyent, l'autheur estant l'un des plus mo- destes et des plus accomplis gentilshommes que l'on se puisse figurer « Une fois, notre bienheureux père m'estant venu visiter à Belley, selon noslre coutume annuelle, Monsieur d'Urfé, es- tant alors en son château de Virieu, principal demeure de son marquizat, qui n'est éloigné de Belley que de trois lieues, il prit la peine de nous venir voir. Sa conversation, toute pleine d'altraits, charmoit tous ceux qui avoient tant soit peu d'esprit pour en gouster la douceur ; ses entretiens, pleins d'honneur et de civilité, estoient dignes de son génie « Entr'aulres propos symposiaques que nous eusmes du-