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  rompre ses vœux de chevalier de Malle ; la seconde, pour être
  autorisé à épouser cette même Diane, sa belle-sœur, il l'eût
  importuné une troisième fois. Mais, rapporte-t-on, le saint
  Père disait que la famille d'Urfé n'aurait pas eu trop d'un pape
 pour elle seule, tant elle lui donnait d'occupation (1).
     Honoré publia, après son divorce, la pastorale du Sireine;
  elle fut souvent réimprimée.
     Enfin, de 1610 à 1623, parut, en volumes détachés, ce mira-
  culeux roman d'Aslrée, qui a rendu typiques les noms de
  Céladon et de Lignon ; c'est là ce qu'il en reste de plus réel.
 « La lecture des narrations historiques estoit une chose frian-
 de, attrayante, deliciense, et pour son extresme douceur, na-
 turellement aimée de ceux qui ont inclination à lire, jusques
 aux enfants, lesquels on voyait aussi aspres à dévorer les ro-
 mans qu'à sucer des dragées » Voilà ce que dit Pierre Camus,
 dans sa pieuse Julie.
     On écrivait alors de ces énormes romans où les paysages
  s'étendaient à perle de vue, ayant sur le fond du tableau des
 bergers musqués et des bergères adonisées. Rien de fade
 comme celte pauvre nature gourmée et grimaçante; rien
 d'exagéré, de niais et d'insipide comme ces grands sentiments
 qui jouaient sur des mots, et où le cœur n'avait nulle
part. Quand on prend ces pages autrefois dévorées par de
jolis yeux, et sur lesquelles se pâmèrent tant de hautes et
 nobles dames, tant d'aimables et spirituelles châtelaines, puis
 ensuite que le dégoût et la fadeur montent sur les lèvres, que
l'on se voit forcé de laisser là tout le roman, après en avoir
effleuré quelque chose, en vérité, l'on ne peut s'empêcher de
croire à un rêve ; l'on se demande quel changement s'est
donc opéré dans les esprits et dans les mœurs ; quel goût litté-
raire régnait donc alors, et quel goût l'a détrôné, puisqu'il y
a une si grande différence entre les aïeux et les arrières petits-
fils. J'avoue, quant à moi, que je professerais la plus profonde

  (1) Les d'Urfd, pag. 149,