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pides. La littérature de notre temps s'est donc réduite en
grande partie aux étroites limites du journalisme et de la
nouvelle. La nouvelle est, en effet, un roman complet
enfermé dans quelques pages : docile à ce besoin du
moment, chacun s'essaie à écrire la sienne, et pas un jour
ne passe sans nous en apporter plusieurs de tous les coins
du pays. Mais sur ce grand nombre, combien peu par-
viennent à rester ! que de difficultés devant lesquelles
viennent échouer nos modernes nouvellistes, sans même
les avoir aperçues ! Pour les uns, la brièveté du récit n'est
autre que la pauvreté de l'intrigue ; pour les autres, la
concision est de la sécheresse et de la froideur ; mais
pour les maîtres, l'intrigue doit être vive, attachante, et
la peinture des caractères dramatique et complète. Topffer
nous paraît être, sous ce rapport, l'un des meilleurs mo-
dèles à proposer aux jeunes écrivains.
   Cet auteur place de suite ses acteurs en scène, et sans
perdre son temps à nous dire, en narrateur désintéressé,
ce qu'ils sont, ce qu'ils pensent, il les laisse se peindre.
Dans toutes ses nouvelles, l'écrivain disparaît, et le per-
sonnage autour duquel se groupe l'action, parle de lui-
même à la première personne. Entre autres expositions de
caractères, nous indiquerons le portrait d'un jeune et
riche héritier dont l'ennui est le mal. Il serait difficile de
trouver en ce genre rien de plus achevé.
   Ailleurs, l'écolier avec lequel nous avons déjà fait con-
naissance, se trouve accoudé sur sa table d'étude, et déjà
ce flâneur laissant dormir devant lui les Commentaires de
César, nous a dit bien des choses, sans compter les manies
de M. Ratiu, son maître. En vérité, c'était un drôle
d'homme, ce M. Ratin : quoique maître d'institution,
Topffer a eu le bon esprit de rire aux dépens du pauvre