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Genève qui en possèdent un plus grand nombre dans
leur album ! On y place Topffer à côté de Gavarni, de
Henri Monnier, et le Genevois ne cède rien, en correction,
en esprit, à nos célébrités parisiennes. Pour juger cette face
du talent de l'auteur-artiste, bornons-nous aux lignes sui-
vantes : « Cependant, en face, au gros soleil, deux ânes
philosophaient, attachés au même gond. Après un grand,
moment, l'un fit une réflexion, ce que je reconnus à un
imperceptible frisson de son oreille gauche ; puis, allon-
geant la tête, il montrait amoureusement à l'autre son vieux
râtelier ; sur quoi, celui-ci, ayant compris, en fit autant,
et ils se mirent tous deux à l'œuvre, se grattant le cou
avec une telle réciprocité de bons offices, avec une non-
chalance si voluptueuse, une flânerie si suave, que je ne
pus m'empêcher de sympathiser, moi troisième. »
   Il est évident qu'à force de citer nous allons, nous
aussi, nous faire accuser de flâner au milieu du charmant
livre de Topffer : mais le faire en compagnie d'un spi-
rituel écrivain est une si excellente chose, que le lecteur
nous saura gré, sans doute, de substituer de délicates
peintures à notre prose, et de suivre l'exemple de notre
auteur en marchant à l'appréciation de son talent par de
gracieux circuits.
   La nouvelle n'a jamais été complètement négligée, mais
elle ne fut pas, autant que de nos jours, le genre à la
mode : cela tient à sa nature parfaitement en rapport avec
le goût de l'époque. Les sociétés distraites, impatientes,
profondément blasées, et toutefois avides d'émotions, fuient
la lecture d'ouvrages sérieux, purement philosophiques;
elles n'ont pas la force d'aborder le récit d'intrigues saisis-
santes mais longues, et ne se décident même qu'avec peine
à écouter la narration passionnée de faits émouvants et ra-