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171 Genève qui en possèdent un plus grand nombre dans leur album ! On y place Topffer à côté de Gavarni, de Henri Monnier, et le Genevois ne cède rien, en correction, en esprit, à nos célébrités parisiennes. Pour juger cette face du talent de l'auteur-artiste, bornons-nous aux lignes sui- vantes : « Cependant, en face, au gros soleil, deux ânes philosophaient, attachés au même gond. Après un grand, moment, l'un fit une réflexion, ce que je reconnus à un imperceptible frisson de son oreille gauche ; puis, allon- geant la tête, il montrait amoureusement à l'autre son vieux râtelier ; sur quoi, celui-ci, ayant compris, en fit autant, et ils se mirent tous deux à l'œuvre, se grattant le cou avec une telle réciprocité de bons offices, avec une non- chalance si voluptueuse, une flânerie si suave, que je ne pus m'empêcher de sympathiser, moi troisième. » Il est évident qu'à force de citer nous allons, nous aussi, nous faire accuser de flâner au milieu du charmant livre de Topffer : mais le faire en compagnie d'un spi- rituel écrivain est une si excellente chose, que le lecteur nous saura gré, sans doute, de substituer de délicates peintures à notre prose, et de suivre l'exemple de notre auteur en marchant à l'appréciation de son talent par de gracieux circuits. La nouvelle n'a jamais été complètement négligée, mais elle ne fut pas, autant que de nos jours, le genre à la mode : cela tient à sa nature parfaitement en rapport avec le goût de l'époque. Les sociétés distraites, impatientes, profondément blasées, et toutefois avides d'émotions, fuient la lecture d'ouvrages sérieux, purement philosophiques; elles n'ont pas la force d'aborder le récit d'intrigues saisis- santes mais longues, et ne se décident même qu'avec peine à écouter la narration passionnée de faits émouvants et ra-