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119 le mois de nivôse de l'an IV jusqu'à celui de floréal de Fan V. Les lecteurs qui les ont suivis avant, pendant et de- puis cette époque, conviennent que jamais ils n'ont porté l'empreinte d'un patriotisme plus éclairé, d'une philoso- phie plus douce, d'une sagacité plus fine» Mais ce qui les caractérise plus particulièrement, de même que tous ses autres ouvrages, c'est la justesse d'esprit qu'ils décèlent constamment. Les faits qui ont suivi n'ont pas prouvé une fois qu'il eut mal jugé les événements, les hommes ou les choses. Tous les articles qu'il fournissait à la Décade phi- losophique offraient souvent de ces aperçus naïfs, impor- tants, qui prouvaient l'habitude de s'élever à des considé- rations générales, et de tourner toutes ses idées vers le but que doit se proposer tout écrivain : le bonheur des hom- mes et le perfectionnement de l'espèce. Vers le milieu de l'an V, mon frère fut appelé à Metz pour aider le citoyen Catoire à jeter les bases d'une nou- velle organisation de l'école du génie. Revenu à Paris au bout de quelques mois , il demeura attaché au dépôt des fortifications. C'est là qu'il connut Cafarelli-Dufalga, dont l'imagination brûlante, dont l'instruction vaste, dont les intentions pures conquirent son estime. Ce général était fait pour apprécier mon frère : il se l'attacha sans retour. Pour qu'il se forme entre deux hommes une amitié so- lide, peut-être est-il nécessaire qu'avec une certaine parité de mérite, il se rencontre entre eux une certaine différence de caractère. Semblables, ils risquent de se heurter par les mêmes points ; s'ils diffèrent, les aspérités de l'un se per- dent dans les interstices de l'autre. La bouillante vivacité de Cafarelli ne blessait jamais le flegme d'Horace Say, et cédait souvent aux efforts de sa persévérance. L'expédition d'Egypte fut résolue. Cafarelli devait com- mander l'arme du génie. C'est dire que son ami devait être le chef de son état-major; il fut son bras droit et avant le départ et après l'arrivée. Sur les pas du héros italique, ils surmontèrent ensemble les premières difficultés que leur opposèrent les sables de la Libye; et, à l'attaque d'A- lexandrie, mon frère monta des premiers à l'assaut, et fut un des premiers qui pénétra dans le corps de la place. Bo- naparte, en récompense de cette action d'éclat, le nomma chef de bataillon du génie.