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CHRONIQUE LOCALE On disait que le départ du dernier ennemi et la délivrance du pays ramèneraient la confiance et le travail ; les dernières casaques prussiennes ont passé la frontière, et la torpeur ne se dissipe pas. Dame Politique a pris le lieu et place des hommes du Nord ; on regarde du qôté de l'Autriche, on se penche vers l'Italie, on écoute les rumeurs qui grondent à l'inté- rieur, et, en attendant les événements futurs, le négociant met la clef de son bureau dans sa poche, le savant ferme son buvard, l'ouvrier prend son chapeau et tout le monde va se promener. Il est vrai qu'on est en au- tomne et que le temps est beau, mais l'homme n'a pas été créé simple- ment pour aller rêver sur les quais, et il serait bon, peut-être pour tout le monde, que la rêverie s'arrêtât, qu'on fermât une bonne fois l'ère des révolutions et que le char de l'Etat, convenablement graissé, reprit sa route à travers des sentiers fleuris exempts de cailloux tt d'ornières, dût sa course ne durer sans secousse et sans soubressaut, que pendant la bagatelle de vingt ou trente années, si possible. Vingt ans de calme et de repos ! Est-ce donc une utopie ? Vingt ans de paix, est-ce donc un désir insensé ? comme on calmerait ses passions, comme on se rapprocherait, comme on s'aimerait ! On retrouverait p artout des frères, des citoyens, des Français ! on s'unirait pour le bonheur de la patrie et on finirait par mettre le pays au-dessus des coteries et des partis. Vingt ans de paix ! on ouvrirait des roules et des canaux ; on élèverait des. usines, on créerait des relations avec des mondes inconnus, on perce- rait Corinthc et Panama, on ferait des Congrès et des Expositions ; une Compagnie prendrait l'adjudication de la grande voie ferrée-de Paris à Pékin ; on fonderait des colonies sur le bord des grands lacs de l'Afrique; ou supprimerait l'affreux commerce des esclaves, si actif entre Kouka et Zanzibar; le gouvernement français, au lieu d'envoyer les savants conser- vateurs de nos musées tout près d'ici, dans l'Attiquc, leur donnerait Une mission pour les rives de l'Amour, avec retour par Bombay, au grand avantage dn nos collections ; un de nos littérateur, au choix, irait à Chiraz, copier les manuscrits de Saadi et peut-être, la chance aidant, les artistes encouragés, donneraient-ils des petits-frères à Guillaume-Tell et aux Uuguenots ou des pendants à la Transfiguration cl au Jugement der- nier, .sauf, bien entendu, à mettre la Belle Hélène et les Cent Vierges au garde-meuble ; les Baigneuses et la Danse dans une caisse avec l'adresse du Schas à Téhéran, et la plupart de nos romans dans un sac bien ficelé, pour leur faire passer le Pont des Soupirs. Quel doux rêve, messieurs ! quel doux espoir ! et ne crions pas à l'im- possibilité ! Déjà nous avons vu, dernièrement, un artiste lyonnais consacrer sa toile et ses pinceaux, non à quelque pensée ignoble qui lui aurait procuré fortune et renommée, mais à une représentation élevée et patriotique, dont il ne retirera que l'estime des gens de bien. C'est un devoir pour la presse honnête d'encourager cette tendance et nous remercierons le Gou- vernement d'avoir acheté pour le Luxeoebouig le tableau de M. Chatigny, représentant les Lyonnais dignes de mémoire. Nous avons loué cette œuvre dans une de nos dernières livraisons et nous n'y reviendrons pas ; mais nous signalerons un petit bijou typographique consacré à expliquer ce grand et beau tableau.