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                       CONSTANCE DAYMER.                       217

   Nous voici revenues depuis près d'un mois à la Noierie, où
l'on s'occupe à faire les vendanges, comme du côté de Besançon.
Voilà une récolte que vous ne connaissez pas ; c'est bien, à cause
du vin qui opère, la plus drôle et celle qui met le plus d'entrain
parmi les gens de la campagne. Durant la moitié de la semaine
nous avons eu une bande de vingt vendangeurs, à qui l'on fai-
sait à manger cinq fois par jour. Ce sont de drôles de gens. Us
sont pouilleux et l'on craint de salir la paille de la grange en les
y mettant coucher ; plusieurs sont méchants, surtout quand ils ^
ont bu : mais il yen a de très-gais, de vraiment amusants et
cela fait passer sur tout le reste, car il n'y a pas besoin de
beaucoup de gens désopilants pour faire rire toute une maison.
La cuisinière est très-gaie, le garçon aime à rire et madame ne
demande qu'une chose, c'est qu'on ferme les portes. Ordinaire-
ment, maintenant qu'on recommence les veillées, je les passe
près d'elle à faire la lecture; mais, pour ces jours de folie, où il
faut s'occuper de nos hôtes bruyants^ elle me tient quitte. Cela
me fait bien plaisir.
   Dans quelques jours, nous recevrons meilleur monde. Plu-
sieurs parents de madame viendront au château,.pour la saison
de la chasse. Il y aura des dames et cela va me donner bien de
l'ouvrage; mais je serai dédommagée par les étrennes. Comme
vous le savez, je tiens bien à cet article, parce que je voudrais
me faire une petite position par moi-même. Dans une grande
ville, le succès est assuré pour quiconque a de l'intelligence,
même sans fortune ; mais encore faut-il avoir quelques sous
pour l'entrée de jeu.
   Adieu, chère mère. Je vous ferai plaisir, j'en suis sûre, de
vous appeler ainsi, comme autrefois. Croyez bien que je n'ou-
blierai jamais toutes vos bontés pour moi. J'espère, quelque
jour, pouvoir m'en acquitter. Je me porte bien et me plais assez
dans mon état, surtout maintenant que nous sommes près de
rentrer à la ville. Bien des choses à Ursule. Je vous embrasse
comme une fille dévouée.
                                            CONSTANCE.