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46 DU SURNATUREL. Quand on voit de nos jours les haines implacables que soulève le christianisme et les efforts inouis qu'un monde charnel em- ploie pour en secouer le joug, on doit conclure qu'à l'époque de son apparition le christianisme n'avait aucun moyen humain pour s'établir. Quelle que soit notre dégradation morale actuelle, le monde alors était bien plus profondément corrompu qu'aujour- d'hui, et avec cela, il y avait l'émotion de la surprise chez des hom- mes subitement contrariés dans tous leurs instincts et tout leur orgueil. À une société qui ne connaissait que l'amour de soi, les satisfactions de la vanité, la mollesse et l'egoisme, oh venait parler de charité, d'humilité, de pénitence et d'abnégation. A des esprits qui n'avaient jamais trouvé d'obstacles à leurs pré- tentieuses investigations, on venait annoncer des dogmes que la raison était inhabile à pénétrer. Quelle impétueuse réaction ne devait pas exciter cette étrange nouveauté ! Aussi, quand saint Paul écrivait aux Corinthiens : « Nous vous prêchons ce qui est un scandale pour les Juifs et une folie pour les Gentils. » Il ne faisait que répéter ce qui se disait bien haut autour de lui, et il se hâtait d'ajouter : « Nous ne nous appuyons point, pour vous persuader, sur les ressources de la sagesse humaine, nous ne comptons que sur la vertu de Dieu hautement manifestée, (1) » c'est-à -dire sur les moyens surnaturels dont l'autorité était seule capable de briser les résistances, en soumettant les esprits et en entrainant les volontés. En effet, dès l'apparition du christianisme, le surnaturel se déploie avec un éclat jusqu'alors inconnu. Ce n'est plus simple- ment, comme autrefois, dans la Judée, c'est-à -dire, dans un coin du globe qu'il se produit, c'est partout où les disciples du Christ portent l'activité de leur zèle apostolique; c'est dans l'im- mense étendue de cette vieille Asie, berceau de l'idolâtrie, c'est dans l'Egypte, domaine de la superstition, c'est dans la Grèce, celte terre classique de la science et de la philosophie. Rome elle-même, ce centre politique de toutes les religions, le voit avec étonnement défier la puissance de ses divinités. Naguère le (1) Epistol. Ad. Cor. e. i, 23 et a. H. 4.