Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
272               I.KS CHASSEURS DE UIÃNNES.

 bûchais à chaque pas, comme si j'eusse porté le monde-
 sur mes épaules. Le cadavre traînait par derrière, s'ac-
 erochaat aux herbes et aux épines : c'était comme le
 corps d'une géante. Il me semblait qu'elle avait grandi
tout à coup et dépassait quatre fois la taille d'une femme-
Quelque chose de brûlant me ruisselait sur l'épaule et
sur les bras. La lune venant à paraître, je vis que j'avais
les mains noires, humides et luisantes. Cela devait êlre
 du sang.
    Enfin j'arrivai au point de partage des vallées, vers uu
 petit mamelon bien détaché des autres, à l'ouest du som-
 met principal. Sous ce mamelon était enseveli l'ancien
chef, le père d'I-ka-eh. Déposant sur l'herbe le corps de
sa malheureuse fille, et sans prendre aucun repos, je me
mis à creuser le sol avec mes ongles. Le travail fut long.
J'étais épuisé, haletant ; la terre retombait à mesure que
je creusais et mes doigts saignaient. Des hyènes me re-
 gardaient faire de loin.
    Quand ma douloureuse besogne fut terminée, je m'age-
 nouillai devant le cadavre de la jeune fille pour lui don-
 ner un dernier adieu dans un suprême embrassement.
 Mais je n'eus pas même cette consolation, et je reculai
 d'effroi. Son beau visage s'était brisé sur les rochers et
 ne présentait plus qu'un masque informe et sanglant
    Je l'étendis dans l'étroite fosse ; je la couvris d'herbes
 arrachées alentour, puis de terre. Et pour la protéger
 contre les insultes des bêtes fauves, j'entrepris d'entasser
 des pierres sur sa tombe.
   A ce moment, mon désespoir n'eut plus de bornes. Je
courais en tous sens pour amasser les matériaux du rude
mausolée. Je pleurais, je criais ; mes forces semblaient
décuplées. C'étaient des blocs de rocher tout entiers que
je roulais, que je soulevais et que je lançais avec une