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122              LES CHASSEURS DE RENNES.

on taillait les armes, tandis que pour les autres objets,
outils ou instruments de la vie domestique, on se con-
tentait de grossières et imparfaites ébauches. C'est qu'en
effet le point principal était de vivre d'abord. La chasse
dominait toute autre préoccupation. Qu'importait qu'un
marteau fût emmanché quand on pouvait commodément
le tenir à pleine main; qu'un poinçon d'os fût plus ou
moins habilement ciselé; qu'une gaine de racloir fût ré-
gulièrement façonnée ! Mettre un soin artistique à la
confection de pareils objets n'était qu'un luxe inutile et
du temps perdu. Nous avons peine à nous figurer, nous
qui vivons au xixe siècle, ce que devient l'existence de
l'homme quand il n'a pas d'autre ressource que la
chasse, avec ses chances et ses hasards, pour se nourrir
lui et les siens. Adieu les loisirs et l'insouciance du len-
demain! Chez les peuples chasseurs, la lutte pour l'exis-
tence est impitoyable et s'impose à tous, sous peine de
mort, comme une inexorable loi. Cela nous explique pour-
quoi des fractions de l'humanité, placées dans des condi-
tions défavorables, sont restées pendant tant de siècles
plongées dans la barbarie sans pouvoir s'élever à un état
supérieur. Les loisirs leur manquaient ; le grand combat
contre la nature ne leur laissait ni trêve ni repos pour
améliorer leurs conditions d'existence. Aussi chez tous
les peuples la vie pastorale, qui créa les premiers loi-
sirs, fut-elle le point de départ des civilisations et la
transition entre la barbarie et les temps historiques.

                         XXIII

   I-ka-eh jouissait dans la tribu d'une position excep-
tionnelle. Depuis la mort de son père, on la nourrissait.
C'était un abus ; mais qui à sa place n'aurait profité du