page suivante »
48 LES CHASSEURS DE RENNES. servant de gigantesque piédestal à tant de victimes en veloppées dans les spirales dévorantes d'un bûcher dont les fumées embrasées s'écoulaient lentement au fond des vallées. Le soleil et le feu confondaient leurs éclairs à travers les brumes envahissantes du soir ; il y avait là - haut, au-dessus de nos têtes, comme un grand orage déchaîné. En effet, un coup de vent furieux aurait passé sur l'é- troite esplanade, balayant tout ce qui se trouvait sur le roc nu, que le dénoùment de cette chasse tragique n'eût point été plus instantané. Les derniers de la bande, brûlés et aveuglés par les flammes, s'élancèrent droit devant eux avec une impétuosité que rien ne pouvait arrêter, et le troupeau tout entier roula au pied des falaises. Ce fut une effroyable avalanche, noire et poudreuse, mêlée de cris et de bruits sourds, qui nous terrifia. Les hommes s'élancèrent pour achever les blessés. Nous ren- trâmes pour ne point voir cette boucherie. XX — Quel gaspillage de matières organiques, m'écriai- je ! Il n'a d'égal que la dévastation des forêts à une époque plus récente et par des gens-plus civilisés. Est-il au monde un destructeur plus redoutable que l'homme ! — Vieux mot ! vieilles idées ! vieille erreur ! fit le docteur. L'homme, pas plus qu'aucun autre agent natu- rel, ne saurait détruire quoi que ce soit. Il transforme. — Soit. Mais il transforme à son avantage ou à son préjudice, et je crois que des massacres comme celui au- quel nous venons d'assister accusent la plus complète im- prévoyance de l'avenir. Un temps viendra où le gibier