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     456                     ALFRED DE MUSSET.
     le moyen âge, pour les vieilleries féodales. Ce côté faux de
     la littérature moderne lui répugna vite. Au moment où il étaiî
     de bon goût d'inaugurer dans les lettres le règne unique de la
     mélancolie et de sacrifier au pied de cette grande et ennuyeuse
     déesse la gaîté, la raison, le rjre, le bon sens, la meilleure p ( ir-
     tie peut-être du génie national, il entreprit bravement de nous
*    prouver que l'esprit n'était pas tout à l'ail mort en France depuis
     Voltaire, et qu'il était encore possible d'écrire des vers faciles
     après La Fontaine.
        A ce point de vue-là, et au degré qui lui est propre, M. de
      Musset appartient à cette franche et vigoureuse lignée qui com-
      prend Mathuriu Régnier, La Fontaine, Molière, Voltaire, etc. ;
     et quand nous dirons* qu'avec Béranger il est le seul poète qui,
     de nos jours, eu continue la tradition, nous aurons l'air de faire
      un paradoxe. Rien de plus vrai cependant ; non qu'il soit né-
     cessaire, pour le besoin de la cause de M. de Musset, de rabaisser
      la gloire de Lamartine ou de Victor Hugo. Mais ces deux poètes
      appartiennent tout entiers au XIXe siècle. Aucun lien ne les rat-
      tache aux âges précédents. Il faut aller leur chercher des pères
      en Angleterre ou en Allemagne. Pour l'auteur de Mardoche et
      deiVamowna, c'est différent. Nous savons quel est son père, c'est
      Voltaire. Pour l'auteur de Simonne et de Sylvia, c'est La Fon-
     taine. On chercherait vainement ailleurs que dans M. de Musset
      des vers libres d'une lecture tant soit peu supportable. Le secret
*•    en était perdu, même pour Déranger, dont la muse, exacte et
      méthodique, marche toujours un peu à pas comptés, comme le
      recteur de la satire de Boileau. Lui seul a rajusté les morceaux
      de cet instrument que La Fontaine avait brisé après avoir écrit
      ses fables et ses contes, et Voltaire ses épltres et ses poésies lé-
      gères; c'est là une des parties de son talent qui atteste le mieux
      son originalité native, car tout ce qui l'entourait le poussait dans
      une autre voie. Sans doute, sur ce talent nous trouverons des
      surcharges et comme des empâtements dus à la mode et ajoutés
      après coup ; mais le fond est français, bien français. Pour mieux
      nous comprendre, le lecteur peut relire l'introduction de la Con~
     fession d'un Enfant du siècle, où M. de Musset parle de la