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                  DE QUELQUES RUES DE LYON.                       333
la vie, mais qui voit dans un mirage trompeur comme une forme
vague se dresser à ce magique appel. Liberté ! indépendance !
La liberté !... Il n'est pas libre, il quitte sa famille où il était es-
clave ; il se jette au milieu du monde, mais il dépend de ses
chefs, de ses patrons, du public. W n'est pas libre, il se met
alors dans une société secrète. Il fait serment de prendre les
armes au premier signal, de tuer qui on lui indiquera, d'aller
où on l'enverra, de donner l'argent qu'il gagnera, de voter pour
qui on lui imposera, il relève la tête alors. Il est libre, il le sent,
il ne peut plus être mis au rang des vils esclaves, c'est aujour-
d'hui un carbonaro, un phalanstérien, un franc-maçon, un
soldat de la jeune Italie ou de la jeune France, c'est un enfant de
la liberté.
   Le jeune homme a joui de la vie ; les soucis ont sillonné son
front, creusé ses joues; quoique enfant de la liberté, il ne se sentait
pas heureux ; il prend une profession qui l'enchaîne, il forme des
nœuds qui ne se briseront pas, il a une femme et des enfants; les
soins de sa famille, les exigences de son industrie ne lui laissent
plus un instant de repos; son teint s'éclaircit, l'embonpoint ar-
rondit son visage ; il n'est plus libre, mais il est satisfait.
   Aucun peuple ne chérit autant la liberté que le peuple français,
il n'a point dégénéré de ses pères. Nul ne porte plus galmentla
robe du missionnaire qu'on envoie au martyre dans les pays
 lointains ou le cilice du pauvre moine enseveli dans sa cellule, et
nul ne se soumet avec plus de sévérité et plus d'ardeur à la
rude discipline du soldat.
   L'égalité ! comme il est vrai, ce mot qui rappelle que tous
les hommes sont frères, qu'ils sont tous issus du même
sang et qu'ils doivent tous se donner la main '. Et cependant,
d'un ouvrier enrichi les paysans du Lyonnais disent avec dé-
dain que c'est un Monsorlet ; l'homme de talent qui a fait for-
tune n'est qu'un parvenu; dans tout pays, le fils de bonne fa-
mille trouve plus facilement à s'établir que le pauvre aventu-
rier qui n'a que son mérite personnel. Qui devrait plus aimer
l'égalité que l'homme du peuple, le travailleur ? cependant, toute
portière établira une grande différence entre l'homme du qua-