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302                   HOSPICES D'ALIÉNÉS.
pour ami et non pour voisin. » La plupart dépaysés, ces végé-
taux pleurent le sol natal. Ils ont la nostalgie qui les fait lan-
guissants. D'autres, comprimés, se jettent dans des écarts, dans
des travers de ramifications qui leur vaudraient dans le monde
les foudres du parquet. Quelle analogie frappante entre les
mœurs de ces êtres vivant à leur manière, et les mœurs d'un
entassement d'hommes que la civilisation a groupés et qu'elle
étiole !.
    À l'entour d'un vaste parallélogramme aux grands arbres et
aux petits arbrisseaux, aux plantes précieuses et rares, régnent
les plantes d'agrément, les arbres odoriférants. Des rosiers de
toutes les saisons récréent la vue, même en temps d'hiver, où
 l'on voit la rose du Bengale marier ses fraîches couleurs à
l'éclatante' blancheur de la neige. Lorsque Minerve sortit, tout
armée du cerveau de Jupiter, ce qui ne fut pas sans effort
ni sans effusion de sang, la fable nous dit que la terre vit aus-
sitôt naître la rose, voulant expliquer par là, que les délices , au
premier rang desquels l'homme place la liberté, qu'Epictcte
définissait ainsi : la liberté, c'est l'innocence, voulant dire par
là, répétons-le, que les délices sont toujours inséparables de la
sagesse.
   De même qu' il y a, dans les dépendances du palais de Ver-
sailles, les chalets et les laiteries des Trianon , destinés, par le
souvenir de la vie heureuse des champs, à rendre à. l'àmc in-
quiète ses premières impressions de bonheur, destinés à dire à
l'imagination que les joies les plus douces au cœur sont toujours
les joies les plus simples elles plus faciles, de même l'établisse-
ment de Saint-Jean-de-Dieu a son petit Trianon, sa ferme et sa lai-
terie à l'extrémité de l'allée des charmilles séculaires. Cet entrain
de poules, de vaches et d'animaux domestiques de loufe espèce,
ce ménage toujours affamé, criard, inquiet de ses heures, de ses
besoins, parce qu'il se voit gardé à, vue, mis en état de siège ;
tout ce travail et toute cette agitation de basse-cour.... eh bien !
voilà encore des illusions envoyées pour faire croire au menson-
ge.—Illusion qui rappelle la première éducalion, sous la discipline
de la nature. Les plantes, les animaux, dit un grand écrivain,