Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                   NOTICE HISTORIQUE, ETC.                   187

   Les lettres latines sont aujourd'hui bien négligées en France,
ou ne trouvent plus guère de faveur qu'auprès des savants
et des professeurs; le P. des Billons s'affligeait déjà d'une dé-
cadence, qui n'a fait que se précipiter. Pourtant, il est impos-
sible d'arriver à un vrai savoir littéraire, si l'on n'a pas vécu
avec les écrivains de l'antiquité latine tant sacrée que profane,
et il y a bien autant de trésors d'inspiration à rapporter de ce
commerce, que de la lecture des modernes, qui sont en gé-
néral moins contenus et moins sobres. La culture et la passion
des lettres latines portaient naturellement à écrire dans la
langue d'Horace et de Cicéron, et pendant le XVIe, le XVIIe
siècle, pendant même une partie du XVIIIe, on rendit fréquem-
ment sa pensée dans l'idiome de l'ancienne Rome. Nos col-
lèges ont sagement fait de conserver l'habitude dés vers la-
tins, car l'on ne comprendrait pas qu'un homme qui ne se
serait jamais rompu à la mesure poétique de Virgile, pût
goûter la mélodie, la musique de ses vers. On ne déprécie,
d'ailleurs, les études latines que parce qu'on n'a pas eu le cou-
rage de s'y livrer, et quels respectables juges que ceux qui con-
damnent si lestement ce qu'ils ignorent !
   Boileau a fait quelques plaisanteries amusantes, mais futiles,
sur les modernes qui écrivent en latin ; on a prétendu, en
suivant sa pensée, que nos plus renommés latinistes, donne-
raient fort à rire aux goujats de Rome, s'ils étaient là pour
entendre nos vers et notre prose. Je ne le crois pas abso-
lument, et ne fais point l'honneur aux goujats romains de les
tenir pour si habiles et pour si délicats, bien que je sache
tout ce qu'on peut dire contre la douteuse faculté d'écrire en
une langue morte. Despréaux se divertit des phrases qu'il
prête à un Latin qui se promène sur l'arène, et non pas
le sable du rivage ; qui dit savoir sur l'extrémité, et non pas
sur le bout du doigt ; mais qui donc a montré à Despréaux
qu'on ne puisse, avec du talent, apprendre quelle différence il
y a entre telle et telle expression, et pourquoi ne serait-il pas
permis de se tromper quelquefois, très-souvent même en latin,
puisque l'on se trompe bien souvent en français, témoin Des-