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140 INFLUENCE DE LA LITTÉRATURE. qui s'étonnent, qui s'indignent presque, lorsqu'on ose ranger M. de Lamartine parmi les poètes incrédules. S'il ne s'agissait que d'écouter de vieilles sympathies, on pourrait, à coup sûr, prendre la défense de l'auteur des Méditations. Le jour où parut ce ravissant volume, auquel notre langue n'avait rien encore de comparable, on dut croire que le Christianisme avait trouvé son poète ; mais cette vague religiosité, où il se mêlait bien quel- que accent profane, devint plus sensible dans les Harmonies, quoique le souffle poétique eût gagné considérablement en force et en étendue. Le roman de Jocelyn, poème d'un tissu très- médiocre, mais d'une exécution parfois si heureuse, si piquante et si neuve, nous révéla malheureusement un élève de Rousseau dans une copie en vers de sa Profession de foi du Vicaire sa- voyard. A travers tout le pathos sentimental qui abonde dans ce roman, dont l'effet a été prodigieux sur l'imagination des fem- mes et des jeunes gens , et dont les impressions certainement sont déplorables, il y a un vrai plaidoyer, non seulement contre le célibat des prêtres, mais encore contre les enseignements de la révélation. • Quelquefois, le passant insulle encore le prêtre, entendons-nous dire par Joeelyn, au sortir de la Terreur, et c'est ainsi justement que le poète commence une longue diatribe contre la papauté. M. de Lamartine est déiste , dans JOCELYN ; il professe même assez visiblement la religion naturelle, dans quelques vers qui ne brillent ni par la clarté, ni par la raison. Voici, en effet, ce que dit de ses auditeurs notre singulier apôtre : Pour leur enseigner Dieu, son culte et ses prodiges, Je ne leur conte pas de vulgaires prestiges, • Qui, confondant l'erreur avec la vérité, Font d'une loi céleste une crédulité ; Honte au Dieu trois fois saint prouvé par l'imposture ! Son témoin éternel, à nous, c'est sa nature ! Son prophète éternel, à nous, c'est sa raison ! Les cieux sont assez clairs pour y lire son nom !