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                       DU NOM 1>ES AUTEDRS.                         403

 fantaisie : Poquelin, de son autorité, se baptisa Molière, et
 d'Arouet, Voltaire. Si leur exemple, à cet égard, n'eût été
 suivi que par leurs égaux en génie, le droit qu'ils s'arro-
 gèrent ne serait point dégénéré de nos jours en coutume
 bannale et sans conséquence; il suffit maintenant d'avoir un
 nom pour se permettre d'en changer, on le voit, c'est un pri-
 vilège lout-à-fait innocent, puisqu'il n'est refusé à personne.
 Et qu'on ne s'imagine pas surtout qu'un auteur se voile
 ainsi au public par un sentiment de modestie; il est tel ro-
mancier du jour, qui a vogué, au début de sa carrière litté-
 raire, sous cinq ou six pseudonymes, mais qui jelta bien vile
l'ancre sur celui avec lequel il crut être arrivé au port. Ainsi
la coquette change de costume jusqu'à ce qu'elle ait adopté
celui qui charme le mieux les regards du public. Ainsi, le
chevalier vainqueur lève sa visière après le tournoi ; mais,
malgré cette ruse, combien n'est-il pas de faiseurs de
nouvelles, qui n'illustreront aucun des noms dont ils s'affu-
blèrent et sur la tombe desquels on pourra écrire comme sur
celle de MM. Dorât, de Cubière, de Palmeseau :
        Ci-gît un pauvre auteur, d'un talent fort commun
        Qui porta trois grands noms, mais qui n'en laisse aucun !

    Je conçois mieux les femmes auteur de notre époque, dont
plusieurs ont pris des noms d'hommes comme un passeport
pour courir dans la noble carrière dont certains rigoristes vou--
draient encore les exiler aujourd'hui. En tète de ces hommes
littéraires, je placerai Mœe la marquise Du Devant, qui s'est
fait connaître sous le manteau de George Sand; c'était justice
après tout qu'une dame dont le talent viril porte barbe au
menton, et qui s'est insurgée contre le sacrement du ma-
riage, se révoltât demême contre le baptême, et voulût chan-
ger de parrains ainsi que d'époux ; on dit cependant que le
nom de George Sand lui rappelle les charmants souve-
nirs d'une première passion. En ce cas le premier de ses