page suivante »
294 LA TENTATION. A défaut de l'orgueil il cherche incessamment A souffler aux élus l'esprit d'abattement;. Il les pousse à douter, à se trouver indignes, Et pour se rassurer à demander des signes. Or le saint doit trembler, et Dieu n'a pas voulu Dès ce monde annoncer la victoire à l'élu ; Dieu commande l'espoir, mais il maintient l'obstacle Et craint l'oisiveté qui peut suivre un miracle. Jésus répartit donc.- « il est encore écrit Tu ne tenteras point ton Dieu. » Le noir esprit L'emporta de nouveau sur un mont solitaire, Et, d'en haut, lui montra les choses de la terre, Les royaumes du monde et toutes leurs splendeurs, Tout ce que l'homme enfin poursuit de ses ardeurs. Et Satan lui disait : « Vaut-il mieux, examine, Être celui qui sert, ou celui qui domine. Vois ce qu'on fait, là -bas, de tout lâche rêveur Qui se dévoue au nom de saint et de sauveur. Choisis ou de régner ou de souffrir chez l'homme ; Promène ton regard de Babylone à Rome, Vois dans la pourpre et l'or et dans les voluptés Trôner sur les mortels les princes des cités. Les peuples à genoux adorent leurs fantômes ; Les tours de leurs maisons des dieux cachent les dômes ; Leurs gloires sont à moi : trônes, trésors, palais, Je les donne à tous ceux en qui je me complais. Je te les donne à toi, pouvoirs, titres sonores, Si, t'étant prosterné, devant moi, tu m'adores. »