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202                    DERNIÈRES JOURNÉES
  de disgrâce et la suite d'une vive et inutile explication entre le
 père et le fils.
    Le mercredi 23, la garde nationale commença à se rassembler
 dès le matin. Elle avait été convoquée la veille au soir. C'était
 une faute de la part du pouvoir, puisqu'elle était en majorité pour
 la réforme et contre le ministère. Dès-lors, volontairement ou in-
 volontairement, elle appuya le mouvement ; elle s'interposa entre
les troupes et le peuple, en attendant d'aider celui-ci, de paralyser
 celles-là et de contribuer à les gagner ou 'à les démoraliser. Des
barricades s'élèvent, quelques fusillades s'engagent dans les
quartiers populeux, surtout dans les rues Saint-Martin, Saint-
Denis , Montmartre , ces grandes artères du Paris industriel, et
dans leurs affluents. Il n'y eut cependant pas d'engagements
graves, mais beaucoup plus de troupes, défoule, d'agitation que
la veille , et, cette fois , outre le cri : « A bas Guizot ! » celui de
 « Vive la réforme ! » maintenant très-décidé, très-prononcé.
   Entre trois et quatre heures, on annonça la démission du ca-
binet, démission déjà offerte , dit-on, depuis plusieurs jours, et la
formation d'un nouveau ministère sous la présidence de M. Mole.
Je vis le général Tiburce Sébastiani avec sesiofficiers d'ordon-
nance , accompagnés et presque poursuivis, en rentrant aux Tui-
leries, par un flot de peuple, en tête duquel courait à plusieurs
pas en avant un homme criant avec fureur : « A bas Guizot ! à bas
Guizot! » — ' C'est fait: » répétait le général, qui se hâta de
franchir la grille et la poterne, et d'entrer dans la cour.
   La nomination d'un ministère Mole causa peu de satisfaction.
« Ce n'est pas assez, » disait-on de toutes parts dans les groupes.
Néanmoins , la ville fut, le soir, spontanément illuminée. Les
femmes avaient reparu dans les rues. La cohue y était compacte ,
au point de vous fermer quelquefois le chemin. 11 passait des ban-
des, chantant la Marseillaise ouïe Chœur des Girondins, et déjà
armées, en partie, de fusils, de sabres, enlevés à quelques postes .
militaires ou aux armuriers, mais surtout d'instruments et
d'outils de toute espèce, de bûches de bois, de bâtons où l'on
avait fiché à la hâte une pointe de fer. On croyait tout fini ce-
pendant.