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200                    DERNIÈRES JOURNÉES
avait choisie, ou à laquelle il avait été réduit. Ses propos , on le
voit, étaient assez incohérents, et ses intentions encore indécises :
cependant le fond en était qu'on voulait, mais qu'on ne savait pas
si l'on pouvait tenter quelque chose.
    J'allai à mes affaires. Entre trois et quatre heures, je revins à la
place de la Madeleine. 11 y avait beaucoup de monde, mais qui
s'entretenait seulement avec vivacité des événements de la jour-
née, de l'Opposition et du ministère: «Quelle faute des deux parts, »
disait-on ! Aux Champs-Elysées la scène était plus animée ; c'est
là que le drame s'essayait, mais il n'en était encore qu'au badi-
nage, qu'aux bagatelles de la porte. Les chaises que l'on loue aux
promeneurs, les treillis et les enclos des jardins publics avaient
été disposés en petites barricades , bien légères et bien maigres
pour cette large avenue qui va de l'Obélisque à l'Arc-de-triomphe
de l'Etoile, et qui partage les Champs-Elysées dans le sens de leur
plus grande dimension. Parmi l'une d'elles figurait pourtant un
omnibus renversé. Des gamins se délectaient à faire sonner in-
terminablement l'espèce d'horloge qui, dans ces voitures, sert
à marquer l'entrée de chaque nouvel arrivant et à en constater le
nombre total à la fin de la course. D'autres, ou peut-être les
mêmes , avaient fait mieux : ils étaient montés quelques-uns sur
le toit d'un corps-de-garde, pendant que le factionnaire, tran-
quille sur le devant, ne se doutait guère de ce qui se passait par
derrière et au-dessus de lui. Parvenus donc à se hisser sur le toit
et munis d'allumettes chimiques, ils avaient réussi à y mettre le
feu. La chose sûre, — « Dis-donc, factionnaire, ça prend : » lui
crièrent-ils en se penchant sur le bord, et alors ils détalèrent.
Bientôt après le corps-de-garde éiait en flamme. C'était un des
traits sinistres du tableau. On avait aussi coupé quelques arbres,
et les vitres de tous les réverbères étaient cassées.
    De forts détachements d'infanterie et de cavalerie étaient en po-
 sition sur la place, devant la Chambre des Députés et sur les quais.
Des escadrons de gardes municipaux, soutenus d'un bataillon de
troupe de ligne, faisaient des deux côtés de l'avenue et sur celle-
ci des charges contre la foule, qui fuyait et revenait de même, en
 criant et en riant. On leur jetait des pierres, mais on disait.-