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198 DERNIÈRES JOURNÉES sincèrement dans l'immense majorité des esprits, s'il n'a pas encore pénétré profondément dans tous les cœurs. Le Journal des Débats lui-même a fait sa conversion ; plus d'un républicain de la veille s'est vu dépasser par ceux du lendemain, et les gens peu décidés le sont du moins sur ceci : qu'il n'y a plus que la République ! qu'il n'y a que la République ! Sans vouloir répéter les faits universellement connus, essayons, conformément à notre rôle d'observateur, de caractériser les principales journées; d'y placer quelques anecdotes qui nous sont propres et que nous pouvons garantir, nous ou nos amis , comme témoins oculaires ; puis d'apprécier un peu l'état présent, l'état du jour, en attendant l'avenir. — Les faits, même impor- tants , sont nombreux, et notre cadre est borné ; enfin, on écrit comme on vit : à la hâte. Il s'agissait d'un banquet ; d'un banquet réformiste comme il y en avait eu une soixantaine dans les départements, mais qui cette fois devait avoir lieu à Paris. Après de vifs débats à la Chambre sur ce mot du discours de l'Adresse : passions aveugles ou enne- mies, le gouvernement ayant remporté la victoire , l'Opposition décida de protester par ce banquet. Le ministère annonça son intention de le dissoudre et de faire les interventions nécessaires pour que la question de droit (le droit de réunion) fût portée de- vant les tribunaux. Le lundi, 21 février, la ville n'était pas, exté- rieurement, fort émue. Chacun se proposait seulement d'aller le lendemain, aux Champs-Elysées, voir passer les députés réfor- mistes se rendant à leur lieu de réunion, qu'ils avaient eu assez de peine à fixer. Un comité invitait les gardes nationaux à leur faire haie, étales escorter par compagnies et en uniforme, mais sans armes. Le gouvernement considéra cet article du programme comme une usurpation de ses droits. Il fit afficher une proclamation à la garde nationale, la loi contre les attroupements , et occuper les points principaux des quartiers où se porterait naturellement la multitude, par la troupe de ligne et la garde municipale à cheval. On apprit ainsi, le mardi, 22 au matin, que le banquet n'aurait pas lieu, que les signataires y avaient renoncé , mais qu'en revanche