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voisins les Provençaux et les Suisses, mais il y a cependant chez
nous, une sensibilité dont la musique peut et doit tirer parti. Jusqu'à
présent, ce qui nous a le plus éloigné de la culture de l'art musical;
c'est sans doute moins un défaut de notre organisation, que nos
préoccupations habituelles, qui nous dominent assez pour que nous
n'osions dérober, aux détails d'un commerce actif et minutieux, le
temps nécessaire à l'étude d'un art qui ne s'y rattache en aucune
manière. La vie sérieuse se composant pour nous exclusivement de
ce que nous appelons les affaires, nous croyons assez honorer un art,
en lui accordant la première place dans cette autre partie de l'exis-
tence qu'on nomme les plaisirs. Nos occupations moins poétiques,
nos émotions plus froides que celles des Italiens et moins mystiques
que celles des Allemands, nous prédisposent peut-être moins qu'eux
à la culture de l'art, mais il y aurait injustice à nous considérer
comme incapables do le sentir. Déjà notre oreille qui longtemps
n'a éprouvé de plaisir qu'à,l'audition d'une cantilène bien chantante
et bien facile, sent maintenant le charme d'une harmonie sa-
vante qui s'élève dans les sublimes régions de l'idéal. Sphor,Beetho-
ven, ont trouvé ici des interprètes et des auditeurs dignes d'eux.
    Aussi, jusqu'à présent, chanter fort, a été, sur notre scène, une
condition de succès, plus sûre que chanter bien. Une voix procédant
par éclats, prodiguant les trilles de l'ancienne musique française,
hasardant des points d'orgue, que le goût n'avoue pas toujours, et
ces artifices vulgaires de roulades pointées finissant smorzendo,
était toujours assurée d'obtenir un triomphe complet auprès de nous.
 11 fallait que l'artiste respectât religieusement les traditions que
 ses devanciers avaient déjà consacrées pour plaire à notre public,
 plus sensible à une pantomiue exagérée, qu'à l'expression vraie d'un
 sentiment, rendue par un chant original et passionné ; le goût,
 l'intelligence musicale, l'excellence dans la méthode, tout cela était
 compté pour rien. «lais nous avons pris enfin dans le monde artiste
 la place dont des préventions injustes nous ont si longtemps exclus.
 Nos progrès sont incontestables. 11 y aurait peut-être justice à
 rapporter les commencements de cette révolution musicale parmi le
 peuple , à la chanson de Bérenger qui a eu une influence qu'on n'a
 pas assez étudiée. Elle a ennobli la gaieté et l'énergie de nos vieux