Revue du Lyonnais » série 1 - n°7 ( 1838 ) » pp.336

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 il nous visite rigoureusement de ses verges, nous châtiant
 temporellemenl , afin qu'il ne nous punisse en l'autre siècle
 éternellement. Sur quoi faut dire que nous sommes bien en-
 dormis et léthargiques, puisque tant de signes et de mons-
 tres ne nous peuvent éveiller de ce profond sommeil de vices.
 Et n'en pourrions dire a u t r e , sinon que c'est une horrible
 vengeance de Dieu qui nous laisse aller en sens réprouvé,
parce que nous l'avons laissé les premiers, nous abandonnant
à toutes les nouveautés; desquelles nouveautés, nous en avons
reçu et recevons les fruits que dessus par le juste jugement
de Dieu. »
    Avec un peu de bonne volonté, sans renoncer toutefois à
sa bonne foi, Paradin était donc parvenu à trouver quelque
relation entre la fable dramatique de Berlin et la boucherie
française. Le bûcher qui avait dévoré quarante Juifs avait,
selon lui, projeté jusques sur notre patrie la clarté de ses
flammes, et cet éclair de la clémence divine avait été mé-
connu ; le courroux du ciel, provoqué par le sacrilège des
Juifs, au lieu d'être conjuré, avait été attiré sur la France.
En dernière analyse, nos pères supportèrent non-seulement
la punition de leurs croyances nouvelles, mais bien plus
encore des crimes de la synagogue; car le bras de Dieu,
une fois a r m é , n'avait pas su s'arrêter à Berlin, il avait fait
le tour du monde. Celte logique vicieuse et ridicule n'était,
je le r é p è t e , que la manifestation de l'opinion p u b l i q u e ,
toujours aigrie, toujours envenimée par un absurde fanatisme.
   Mais les temps vont changer : la pensée, long-temps com-
primée , éclate à la fin, et de force, s'amoncelant peu à peu,
grossissant dans la mesure des résistances qu'elle r e n c o n t r e ,
se fait jour dans une explosion terrible , et renverse tout ce
qu'elle touche. Ce fut quelque chose de profondément triste
de voir le protestantisme d'abord (1) élever un cri timide, et

   (1) Je ne parle pas de Luther, poussé à la révolte par des passions mau-
vaises et l'orgueil froissé , mais je crois que cet homme triompha par ce
motif qu'il se fil l'interprète des plaintes de son époque.