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154 pianiste S. Listz. Ne dirait-on pas une page détachée du Ma- ze-p-pa, de Byron, ou bien un fragment de Lénore, cette admi- rable et saisissante ballade de Burgher? « J'eus le bonheur, à Lyon, de retrouver Nourrit, cet ar- tiste éminent dont le talent est perdu pour l'Opéra de Paris, mais qui est deslinè à exercer une grande et favorable in- fluence partout où il se produira, quel que soit le mode d'ac- tion qu'il choisisse. Ses croyances et ses sympathies nous fe- ront indubitablement rencontrer un jour dans les mêmes voies, et j'ai regardé comme un heureux présage le hasard qui m'a fait lui serrer la main à la dernière limite française de mon voyage. Une amie commune , Mme Monlgolfier, nous réunissait journellement. Les Lieder de Schubert, qu'il dit avec tant de puissance, nous jetaient dans des accès d'enthou- siasme qui se communiquaient de proche en proche à noire petit auditoire. Un soir, pendant l'Erlkânig, M , qui com- prend Schubert et Goëlhe dans ce qu'ils ont de plus profond et de plus sublime , prit un crayon et écrivit sur une feuille d'album une espèce de traduction libre , de paraphrase , que je vous envoie ici, pour vous dédommager de l'ennui de celle irop longue lettre. Vale. L'ERLK.ONIG, pendant que Nourrit chantait. Entendez-vous, à travers d'effrayantes ténèbres, la course rapide du che- val dont l'éperon fait saigner les flancs? Entendez-vous le vent qui mugit, les feuilles qui frémissent? Voyez-vous le père qui tient dans ses bras l'enfant qui pâlit et se serre contre sa poitrine ? « 0 mon père ! vois-tu là -bas le roi des Gnomes ? Le cheval court, court toujours; il dévore l'espace; il fait jaillir du sein des cailloux mille étincelles, qui augmentent l'horreur de ces ténèbres. « N'ayez peur, mon fils, c'est un nuage qui passe. » Mais une voix pleine de suavité se fait entendre derrière un rideau de ver- dure. Ne l'écoutez pas, car elle est perfide et fallacieuse comme celle des sirènes. « Mon père, mon père ! n'entends-tu pas ce que le roi des Gnomes mè dit tout bas ? »