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pianiste S. Listz. Ne dirait-on pas une page détachée du Ma-
ze-p-pa, de Byron, ou bien un fragment de Lénore, cette admi-
rable et saisissante ballade de Burgher?
   « J'eus le bonheur, à Lyon, de retrouver Nourrit, cet ar-
tiste éminent dont le talent est perdu pour l'Opéra de Paris,
mais qui est deslinè à exercer une grande et favorable in-
fluence partout où il se produira, quel que soit le mode d'ac-
tion qu'il choisisse. Ses croyances et ses sympathies nous fe-
ront indubitablement rencontrer un jour dans les mêmes
voies, et j'ai regardé comme un heureux présage le hasard
qui m'a fait lui serrer la main à la dernière limite française
de mon voyage. Une amie commune , Mme Monlgolfier, nous
réunissait journellement. Les Lieder de Schubert, qu'il dit
avec tant de puissance, nous jetaient dans des accès d'enthou-
siasme qui se communiquaient de proche en proche à noire
petit auditoire. Un soir, pendant l'Erlkânig, M     , qui com-
prend Schubert et Goëlhe dans ce qu'ils ont de plus profond
et de plus sublime , prit un crayon et écrivit sur une feuille
d'album une espèce de traduction libre , de paraphrase , que
je vous envoie ici, pour vous dédommager de l'ennui de celle
irop longue lettre.                                 Vale.

             L'ERLK.ONIG,   pendant que Nourrit chantait.
   Entendez-vous, à travers d'effrayantes ténèbres, la course rapide du che-
val dont l'éperon fait saigner les flancs? Entendez-vous le vent qui mugit,
les feuilles qui frémissent? Voyez-vous le père qui tient dans ses bras l'enfant
qui pâlit et se serre contre sa poitrine ?
   « 0 mon père ! vois-tu là-bas le roi des Gnomes ?
   Le cheval court, court toujours; il dévore l'espace; il fait jaillir du sein
des cailloux mille étincelles, qui augmentent l'horreur de ces ténèbres.
    « N'ayez peur, mon fils, c'est un nuage qui passe. »
   Mais une voix pleine de suavité se fait entendre derrière un rideau de ver-
 dure. Ne l'écoutez pas, car elle est perfide et fallacieuse comme celle des
sirènes.
    « Mon père, mon père ! n'entends-tu pas ce que le roi des Gnomes mè dit
tout bas ? »