page suivante »
138 jaloux, ne rogne pas sans cesse à ia pensée ses aîles vaga- bondes , vous travaillez à l'accomplissement de votre œ u v r e , semblables à ces apôtres qui n'avaient pour le doute ou l'in- crédulité qu'un sourire de compassion. Yous voyez le monde a travers votre horizon pur et tranquille, à travers les joies de votre culte et les sympathies qui vous pressent ; vous me traitez moi et mes pareils de tempéraments chagrins, portés à s'exagérer le mal, d'esprits enclins à la critique et au scep- ticisme, s'enfermant presque à plaisir dans leurs préventions et leurs antipathies, et^ faute de modération dans leurs vœux, prompts à nier toute amélioration qui ne va pas aussi vite que leur allure. — Peut-être avez-vous raison; peut-être aussi partageriez-vous le découragement qui nous saisit, nous esclaves de l'industrie et du commerce, si à vos oreilles sifflait sans cesse le grincement des machines , le bruisse- ment monotone du travail^ le parlage inévitable des mêmes idées; peut-être senliriez-vous l'ardeur de vos croyances s'at- tiédir au contact des prosaïques intérêts qui s'emparent ici avec un absolutisme désespérant de toutes les minutes de l'existence ? — Allez , Monsieur, vous n'avez pas mesuré le courant du fleuve, vous n'avez pas fatigué vos bras et votre souffle à lutter contre sa force, vous ne savez pas tout ce qu'il y a d'amertume dans l'isolement, d'action étouffante dans un milieu qui épie vos passions et vos paroles pour en faire contre vous un titre de blâme et de persécution. Ne croyez p a s , monsieur, que ceci soit l'expression de froissements personnels ; non , l'expérience de chaque jour prouve que celui qui s'occupe d'art à L y o n , s'il n'est, par position , oisif et indépendant, est un homme perdu. Malheur à lui s'il a quelque chose à demander aux chances commer- ciales^ s'il lui faut l'appui de l'opinion, la recommandation des faiseurs d'affaires ! En vain apportera-t-il à la gestion de son entreprise , aptitude, assiduité , zèle , intelligence, es- prit d'ordre et de conduite, toutes les qualités qui consti- tuent le mérite d'un bon négociant, le peuple marchand ne