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121 faire sentir qu'il est important de bannir de nos temples les honteuses élucubrations musicales qu'on y e n t e n d , et q u e , quoique l'art proprement dit n'existe pas à Lyon, le goût de la musique ( p e r v e r t i , il est vrai) s'y révélant d'une manière évidente, l'établissement projeté d'un Conservatoire serait d'une incontestable utilité. Ma tâche sera remplie quand j'aurai rappelé les bienfaits de la Société des Amis des Arts , les encouragemenle qu'elle donne, les efforts généreux qu'elle fait depuis deux ans. Je ne terminerai cependant point sans répéter ce que j'ai déjà dit tout-à -Pheure ; Lyon est une ville éminemment ar- tiste, qui n'a besoin que d'un premier élan pour adopter toutes leâ idées d'émancipation intellectuelle et de décentra- lisation. D'ailleurs je peux donner pour dernière preuve de ce que j'avance ce qui m'est arrivé. Pour moi, mes compatriotes se sont souvenus du précepte d'Horace : Hedera crescentem ornate poetarn; non qu'ils m'aient couronné de lierre ; mais ils m'ont entouré de tant de bien- veillance , que je suis heureux aujourd'hui de pouvoir leur montrer toute ma gratitude. Hélas! quand un pauvre artiste, ignoré de tous , s'attache volontairement pour un souffle de gloire au pilori de la scène, ne faut-il pas que quelques voix amies l'encouragent à parcourir bravement la rude car- rière dans laquelle il s'avance ? Aujourd'hui, j'en suis sûr, que viennent à Lyon d'autres artistes , jeunes et confiants dans l'avenir, si quelque main habile dirige leurs premiers pas, rectifie le désordre de leurs pensées , modère les écarts de leur imagination, ils trouve- ront mieux encore que moi une flatteuse hospitalité, et feront mentir les discours calomnieux, qui prétendent que notre patrie ne sait comprendre ni les arts ni les artistes. A. MANIQUET. Paris , 8 janvier 1838.