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gùe série de siècles, s'élancent des murailles perpendicu-
laires sur les flancs desquels courent des guirlandes de ver-
dure , et que flanquent des tourelles effilées, semblables aux
flèches de nos cathédrales gothiques. Déjà l'on ressent celte
sainte émotion qu'éprouvent toujours les véritables amants
de la nature^ quand ils se disposent à pénétrer dans ce sanc-
tuaire vénéré.
   Je nie suis souvent demandé compte de l'attrait irrésis-
tible qu'ont pour les voyageurs, pour les habitants des plaines
surtout, ces sites où la nature se plaît à étaler des preuves
de sa puissance destructive plutôt que de ses vertus salutaires
et fécondantes, de cet aimant mystérieux qui fait pivoter les
regards , et les relient allachés sur quelqu'une de ces scènes
imposantes et terribles qu'on y rencontre à chaque pas; car
enfin ce spectacle est un spectacle c!e désolation et de mort ;
celle nature est une nature en ruine et désolée ; ces monta-
gnes semblent croulantes ; on dirait qu'à chaque instant toute
 cette décoration fantastique va s'affaisser sous vos yeux, et
 augmenter la masse des décombres confusément amoncelés
 à leurs pieds. Faut-il croire avec J.-J. Rousseau que le charme
 de ces paysages montagneux vient de ce que les objets y sont
vus de face ; et que l'œil peut en embrasser tous les détails ;
 tandis que dans une campagne unie ou peu accidentée, ils ne
 se présentent que de profil, et s'effacent les uns les autres?
 J'ai le plus grand respect pour l'autorité du philosophe de
 Genève, au moins en ce qui concerne les beautés de la na-
 ture; cependant je me permettrai de dire que celle explica-
 tion toute matérielle ne me paraît pas complètement satis-
 faisante.
    L'attrait de sites pareils ne tient-il pas précisément à
 celte pensée de dangers, de difficultés vaincues que fait naître
 leur vue ? L'imagination se plaît à errer au milieu de ces ro-
  chers escarpés , à s'asseoir sur le bord des précipices ; elle
  vole de cîme en cîme ; dans sa course vagabonde, elle suit
  des sentiers non frayés, elle se complaît dans l'idée du péril