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prairies] et de vergers qui s'élèvent en étages, les uns au- dessus des autres. Contents de nos richesses acquises, nous ne cherchions pas à agrandir le domaine de nos jouissances. Nous ne nous doutions pas que ce fleuve majestueux et ra- pide dont les eaux bleues et limpides baignent les murs de notre ville, et qui semble n'accourir des montagnes que pour se charger de nos marchandises, et les porter à la Méditerranée, dût offrir, dans la partie inexplorée de son cours . des beautés, sinon plus gracieuses, au moins plus grandioses, plus h a r d i e s , et d'une nature lout-à -fait neuve pour nous. Dans notre pensée, le Rhône commençait à Lyon : au-dessus, il était considéré comme un fleuve incivilisé, in- traitable, avec lequel il n'y avait pas de relations à entrete- n i r ; comme une puissance mystérieuse et t e r r i b l e , retran- chée dans ses repaires inaccessibles, vers laquelle il eût été téméraire de vouloir se frayer un passage. Et pourtant, depuis un temps immémorial, ce fleuve nous apportait ces bancs de p i e r r e , indestructibles assises sur les- quelles s'élève l'édifice gigantesque des Alpes, et avec les- quels furent construits jadis les monuments romains dont nous voyons les restes parmi nous ; puis nos cathédrales, nos quais , nos ponts, et qui se transforment encore aujour- d'hui pour nous en dalles, en p i l i e r s , en colonnes; mais comment les beautés sauvages qu'offre le Rhône supérieur auraient-elles fixé l'attention, du moment que l'accès en- était comme interdit ; lorsqu'il parcourait, presque solitaire, sans témoin, sans compagnon de voyage, les agrestes vallées au fond desquelles la nature a tracé son lit. Les robustes mariniers, qui luttent, seuls, avec les difficultés de son cours, absorbés par leurs rudes travaux, n'avaient pas enrichi leur album de croquis pittoresques empruntés à ses rives ; ils n'a- vaient point livré leurs impressions de voyage à la curiosité publique, vanté dans des relations imprimées les sites devant lesquels ils passaient tous les jours. Ces bords étaient donc ignorés. Ce serait là cependant un beau complément à la