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 gîeuse, mais autorité civile et autorité religieuse confon-
 dues dans le même gouvernement, comment agit-elle?
Dispose-t-elle de la moindre parcelle du pouvoir matériel ?
Peut-elle empêcher un livre, une feuille imprimée, de se
 répandre et de se propager ? Non, à moins d'emprunter
un autre pouvoir que le sien et alors où elle domine ce
pouvoir, et elle devient théocratie, ou elle en est dominée,
et alors elle subit elle-même une influence extérieure,
celle d'une autorité humaine et faillible. On a beau cher-
cher, il n'y a pour elle que deux positions dignes de sa
hauteur, dominer ou être libre. Dominer ! elle en a fait
la tentative dans le moyen-âge et elle ne l'a pu qu'impar-
faitement. Etre libre! c'est sa seule condition possible dans
l'état des sociétés politiques, et il faut bien reconnaître
aussi que c'est sa condition providentielle, puisque celui
qui dispose des trônes et des dominations n'a pas voulu lui
donner la conquête matérielle du monde.
   La religion libre n'est pas l'indifférence. C'est toujours
un empire entier, absolu, mais c'est un empire tout inté-
rieur. La religion lutte contre l'individualité des con-
sciences pour s'en saisir et se les soumettre, combat dans
lequel celles-ci, tant qu'elles ne sont pas domptées, se dé-
fendent avec toute l'indépendance du moi, du moi armé de
ses forces, et s'en servant pour réagir contre la doctrine
qui les attaque. Ainsi, l'emploi du raisonnement mis au
dehors par la parole et par la presse, n'est qu'un effet na-
turel de cette lutte. Si la religion a vaincu, c'est qu'elle a
convaincu, et les intelligences envers lesquelles elle ne l'a
pas fait sont en droit de résister. Je crois que cela est vrai
même religieusement ; car s'il y a crime, c'est de ne pas
croire ; mais ce fait admis, le reste n'en est qu'une consé-
quence et qu'une manifestation.