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 mis la raison publique à portée de se prononcer plutôt et
 avec plus de certitude.
    Telle est la pensée qui animait ces hautes intelligences
 dont les efforts nous ont conquis la liberté. Elles ont cru
 à la raison publique, c'est-à-dire, à la loi de perfectibilité,
 c'est-à-dire encore, à l'ordre constitutionnel qui est l'orga-
 nisation des pouvoirs sociaux suivant le principe de per-
 fectibilité. Enfin, elles ont consacré la liberté de la presse
 comme la conséquence rigoureuse et nécessaire de tout
 cela.
    Voici, en effet, ce qu'il faut nier pour soutenir logique-
 ment que les inconvénients de la presse libre en surpassent
 les avantages : il faut poser en prémisse que la société h u -
 maine est telle par sa nature que dans le contact des idées
 et des sentiments, ce n'est pas le plus juste et le meilleur
 qui doit prévaloir ; c'est-à-dire qu'il faut nier la prédomi-
 nance du jugement public sur le jugement individuel, la
 raison générale, la conscience du genre humain, en un
 mot, tout ce que les moralistes ont jusqu'ici regardé comme
un des caractères apparents de la vérité.
    Si l'on veut qu'il en soit ainsi, je concéderai volontiers
 que, dans cette hypothèse, tout ce qui ajoute au mouve-
 ment expansif des intelligences est plutôt un mal qu'un
bien, puisqu'il y a plus de probabilités qu'une idée commu-
 niquée soit une erreur qu'une vérité. Mais voyez donc où
vous vous arrêterez sur cette route. D'instrument en instru-
ment, ne faudra-t-il pas proscrire tous ceux qui tendent au
même résultat, sans qu'on puisse logiquement distinguer en-
tre le plus et le moins. De l'usage de la presse, on arrivera,
par une déduction nécessaire, à toute autre voie de com-
munication de la pensée, même à la parole; car il y a ab-
 solument les mêmes choses à en dire que de la presse.