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objet d'horreur, et, si on voulait l'asservir aux ignobles
exigences du pot au {eu, elle se suiciderait; elle trouverait bien
plus convenable d'aller remplacer son mari au tribunal ou
nu congrès scientifique que de coudre le moindre boulon
faisant défaut au haut de chausse conjugal. Il est pourtant
quelques femmes de lettres veuves ou à peu près ; celles-lÃ
ont pleuré longtemps un mari général, ou au moins colonel
mort à Waterloo; il est mort tant d'officiers à Waterloo! mais
comme celle catastrophe est déjà loin de nous, c'est l'Afrique
qui est en possession maintenant de priver ces intéressantes
Arlémises de leurs amours légitimes.
Les femmes de lettres n'aiment que les sots, ce qui s'ac-
corde peu avec l'aversion qu'elles ont pour leurs maris.
Amie de l'humanité^ la femme de lettres fait chorus avec
tous les philanthropes de profession, les émancipateurs de
nègres, et tous les individus occupés du progrès social et
de l'avenir des nations ; race abondante en cœurs sensibles
pour lesquels le malheureux mourant de faim, parfaitement
dédaigné tant qu'il n'est qu'innocent, devient bientôt, si peu
qu'il mérite le bagne, un être prodigieusement intéressant
et recommandable. C'est une femme de lettres qui la pre-
mière a demandé à Fieschi un autographe pour son album.
La femme de lettres professe un grand amour pour les noc-
turnes vitrioliques de Moupou, qu'elle déchiffre de concert
avec quelque Sténio à la longue chevelure; elle a la voix fausse,
et chante comme une repasseuse.
Dans son intérieur, la femme de lettres rejette le peignoir
pour la robe de chambre, et n'est guère plus serrée dans son
corset que dans ses raisonnements; à l'extérieur, elle revêt le
frac et le pantalon à sous-pieds. A elle les rêveries fantalis-
ques,la vie artistique et les bowls de punch infiniment mul-
tipliés! Elle goûte peu le Champagne, bon tout au plus pour
les grisettes, mais elle proclame l'émancipation du sexe faible
en savourant le rhum, et en fumant du tabac de caporal dans
une pipe culottée.