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240 célébrer avec Pindare les victoires des hommes et la gloire des dieux, leurs pères; enfin, si elle est froide et sévère avec Aristote, au point de tout classer, de tout préciser et de dresser le catalogue de la nature humaine, elle devient avec Platon devineresse de l'avenir, prophétesse illuminatrice ; elle annonce ce soleil de vérité qui se lève à l'Orient. Certes, c'est jouer un rôle illustre dans les annales de l'histoire humaine, qu'avoir conservé à travers tant de siècles le droit de litté- rature-modèle par des titres si nombreux et si mérités. On lui reprochera bien peut-être, à cette poésie si vantée, de n'avoir jamais peint la tristesse des âmes malades et les souffrances de la poésie exilée sur la terre ; elle n'a eu nul écho de celte mélancolie mystérieuse qui nous est venue de l'Orient et du Nord ; elle n'a vu dans l'amour qu'un appétit grossier, et l'idée n'est point venue pour elle d'animer la chair ; il lui a manqué, en effet, la foi à la divinité et l'intelligence des qualités tendres du cœur. Mais les nouvelles sources de poésie devaient jaillir pour nous d'une religion nouvelle ; il y a dix-huit siècles que le christianisme nous les a révélées; et c'est à peine si de nos jours, tant a été grand et légitime l'empire de la littérature grecque, c'est à peine si quelques- uns de nos maîtres sont allés s'inspirer de ces sublimes en- seignements. Ainsi, nous ne pouvons le nier, nous sommes les fils delà Grèce par les idées qu'elle nous a données. Elle a fait notre éducation; nous lui devons nos hommages, nous lui devons de l'étudier avec respect et vérité. N'insultons pas notre mère ; et si quelque chose a manqué à son illustration complète, si cette antique et forte nature a toujours glori- fié l'homme aux dépens de Dieu et la société présente aux dépens de l'humanité, n'oublions pas que c'était là le défaut des temps, et qu'il a fallu, pour arriver aux idées qui lui manquent, une religion nouvelle, c'est-à -dire une parole que Dieu a envoyée aux hommes. » A.-F. OZANAM.