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 célébrer avec Pindare les victoires des hommes et la gloire
 des dieux, leurs pères; enfin, si elle est froide et sévère avec
 Aristote, au point de tout classer, de tout préciser et de
 dresser le catalogue de la nature humaine, elle devient avec
 Platon devineresse de l'avenir, prophétesse illuminatrice ; elle
 annonce ce soleil de vérité qui se lève à l'Orient. Certes, c'est
jouer un rôle illustre dans les annales de l'histoire humaine,
 qu'avoir conservé à travers tant de siècles le droit de litté-
 rature-modèle par des titres si nombreux et si mérités. On
 lui reprochera bien peut-être, à cette poésie si vantée, de
 n'avoir jamais peint la tristesse des âmes malades et les
 souffrances de la poésie exilée sur la terre ; elle n'a eu nul
 écho de celte mélancolie mystérieuse qui nous est venue de
l'Orient et du Nord ; elle n'a vu dans l'amour qu'un appétit
grossier, et l'idée n'est point venue pour elle d'animer la chair ;
il lui a manqué, en effet, la foi à la divinité et l'intelligence
des qualités tendres du cœur. Mais les nouvelles sources de
poésie devaient jaillir pour nous d'une religion nouvelle ; il
y a dix-huit siècles que le christianisme nous les a révélées;
et c'est à peine si de nos jours, tant a été grand et légitime
l'empire de la littérature grecque, c'est à peine si quelques-
uns de nos maîtres sont allés s'inspirer de ces sublimes en-
seignements. Ainsi, nous ne pouvons le nier, nous sommes
les fils delà Grèce par les idées qu'elle nous a données. Elle
a fait notre éducation; nous lui devons nos hommages, nous
lui devons de l'étudier avec respect et vérité. N'insultons pas
notre mère ; et si quelque chose a manqué à son illustration
complète, si cette antique et forte nature a toujours glori-
fié l'homme aux dépens de Dieu et la société présente aux
dépens de l'humanité, n'oublions pas que c'était là le défaut
des temps, et qu'il a fallu, pour arriver aux idées qui lui
manquent, une religion nouvelle, c'est-à-dire une parole que
Dieu a envoyée aux hommes. »
                                            A.-F. OZANAM.