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227 Sans que les pleurs, l'idée ou la réflexion Fassent dans la nuit sombre éclore un seul rayon ; Où le riche est avare, où le pauvre est avide, Où le penseur profond tourne autour d'un mot vide, Où la foule inconstante, impénétrable loi ! Aujourd'hui brise un trône et demain fait un roi ; Où, comme un épi d'or au sommet d'une gerbe, Le doute sur nos fronts plane ardent et superbe ; Dans ce monde ébranlé sous la division, Que faites-vous, martyrs de la création? Vous passez, tantôt sœurs, tantôt filles aimantes, Mères au cœur divin ou sublimes amantes, Vous passez, comme Dieu, sacrant et consolant L'humanité sans force où la foi va croulant ; Mères, vous adorez', sœurs, vous priez; amantes, Vous portez le repos où grondaient les tourmentes ; Mais, destin qu'on réserve aux âmes d'un grand choix, Comme le Christ, hélas ! vous avez votre croix ! Comme le Christ, hélas ! jusqu'au lieu du Calvaire, Vingt fois sous le fardeau vous mesurez la terre ! Sous chacun de vos pas l'homme tend ses filets ; Et lorsque vous tombez, le rire, les sifflets, Le mépris sont pour vous, pour vous, ô nobles femmes ! Et non pour qui dressa l'embûche sous vos âmes ! Pourquoi? c'est qu'en ce monde, inclément et railleur, La femme, c'est l'oiseau, l'homme, c'est l'oiseleur. L. JAQUIN, Soldat au 12 e de lign Septembre 18...