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221 Sait de développer la passion humaine par rapport à une situation unique, les unités en resserrant et le fait proposé et les passions qui lui étaient relatives, en accroissaient na- turellement l'impression ; loin d'entraver le dessein du poète, elles concouraient au contraire à le circonscrire plus fortement, et à le faire ressortir davantage. Je ne parle pas même des obstacles matériels qui ont dû para- lyser au-delà de toutes bornes certaines pièces, et entre autres celles de Racine. Lorsque les spectateurs encom- braient la scène, lorsque les acteurs craignaient à tout instant de se heurter aux banquettes où s'asseyaient mes- sieurs les marquis, il n'était guère possible à la tragédie de prendre ses coudées franches, de se donner de l'es- pace, du mouvement, de l'animation. La tragédie a donc été tout ce qu'elle a pu être, et dans ses conditions im- posées, elle a (ne l'oublions pas ) produit d'admirables chefs-d'œuvre, que les intelligences sévères doivent s'ap- pliquer sans cesse à étudier et admirer, tout au moins comme savante analyse de passion, comme perfection châ- tiée de style. La tragédie a certes un passé assez glorieux, en France, pour mériter d'être rangée au nombre de nos traditions littéraires toujours vivantes et toujours respec- tées. Mais il serait plus qu'absurde de vouloir refaire au- jourd'hui la tragédie grecque et romaine du dix-septième siècle. Je ne parle pas même de l'extrême difficulté d'at- teindre à la perfection d'œuvres inimitables par l'exécution, quoique d'ailleurs si faciles à copier dans leur type inva- riable et dans leurs procédés communs. Le plus grand obstacle à l'ancienne tragédie est dans l'anachronisme des mœurs, des croyances, du langage que notre siècle plus que tout autre repousse et condamne. Le romantisme n'au- rait eu d'autre résultat que de mettre fin aux stériles et