Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                                164
  un univers, un hanneton un trésor ! Ali ! que ne puis-je
  remonter vers ces heures fortunées; retrouver ces loisirs
  enchanteurs ! que le soleil est pâle aujourd'hui, que les
  heures sont lentes, les loisirs ingrats ! »
     « Je retrouve sans cesse cette idée sous ma plume;
 chaque fois que j'écris, elle me presse de lui donner le
 jour ; je l'ai fait mille fois, je le fais encore. En vain le
  bonheur m'accompagne, en vain les années m'ont apporté
  chacune un tribut de bien, en vain les jours se lèvent
 purs et sereins, rien n'efface de mon cœur ces souvenirs
 d'alors ; plus je vieillis, plus ils semblent rajeunir, plus
 j'y trouve un sujet d'altendrissante mélancolie. Je possède
 plus que je ne désirais, mais je regrette l'âge du désir; les
 biens positifs me paraissent moins savoureux que ce nuage
 vide, mais brillant, qui, m'enveloppant alors, m'entre-
 tenait dans une constante ivresse. »
    « Fraîches matinées de mai, ciel bleu, lac aimable, vous
voici encore ; mais.... qu'est devenu votre éclat, qu'est
devenue votre pureté ? où est votre charme indéfinissable
de joie, de mystère, d'espérance ? Vous plaisez à mes yeux,
mais vous ne remplissez plus mon ame ; je suis froid à
vos riantes avances ; pour que je vous chérisse encore, il
faut que je remonte les années, que je rebrousse vers ce
passé qui ne reviendra plus ! chose triste, sentiment
amer ! »
    « Ce sentiment, on le retrouve au fond de toute poésie,
si encore il n'en est pas la source principale. Nul poète
ne s'alimente du présent ; tous rebroussent, ils font plus :
refoulés vers ces souvenirs par les déceptions de la vie,
ils en deviennent amoureux ; déjà ils leur prêtent des
grâces que la réalité n'avait pas, ils transforment leurs
regrets en beautés dont ils les parent, et se créant à l'envi