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                     L'ÛCOLI; LYONNAISE                     163

manifestés avec autant d'évidence qu'alors. Au contact de
l'Italie, le tempérament lyonnais avait pris conscience de
lui-même; il avait reconnu sa vraie nature; et, de l'italia-
nisme, pour se l'approprier, ou plutôt pour le transformer
en soi-même, il n'avait pris, comme autrefois, que ce qui
lui convenait. A Lyon, dans la ville de richesse et de luxe,
de commerce et d'art, de travail et de ferveur, qui se sou-
venait toujours d'avoir été la ville de Vettius Lpagathus et
de sainte Blandine, le naturalisme italien s'était comme
chargé d'une signification mystique; et le platonisme, d'un
divertissement pour les beaux esprits, ou d'une manière à
« metTe en sonnets » s'y était changé comme en une reli-
gion intérieure, secrète et passionnée, de la beauté. La joie
de vivre qui respire dans l'art italien, et jusque dans la
mélancolie des sonnets de Pétrarque, s'était à Lyon comme
enveloppée de sérieux. On y pouvait bien imprimer le
Décamêron de Boccace, mais nulle part, et en ce temps-là
surtout, on n'avait jamais moins joué avec l'amour. La
volupté, plus profondément sentie qu'ailleurs, y trouvait
cependant moins qu'ailleurs sa satisfaction et sa fin en elle-
même. Le mysticisme et la sensualité, l'ardeur de la pas-
sion et la décence, la contrainte même du langage, l'enthou- '
siasme et le sang-froid s'y étaient alliés dans des propor-
tions indéfinissables, mais d'une manière unique. Lt c'est
pourquoi, s'il s'était rencontré, vers 1540, dans la ville de
Maurice Scève et de Louise Labé, un poète de génie pour
donner de tous ces traits une expression définitive, nous en
aurions peu de plus grands. Mais, à défaut de ce poète,
l'influence de ce même Scève, que l'on vient de nommer,
de Pontus de Tyard, de Louise Labé, n'en a pas moins été
 considérable sur les poètes de la Pléiade; et il est intéressant
 de le montrer.