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UN FUSIL QUI A PEUR 12^ et l'autre, un individu paraissant être un soldat de la garnison. Poillod nous expliqua qu'étant en faction, il avait aperçu un homme qui se glissait, en paraissant se cacher, entre les arbres; que le voyant sans fusil, il l'avait pris pour un espion et qu'au lieu de lui envoyer une balle, il avait préféré lui sauter dessus pour s'en emparer vivant. Nous emmenâmes l'homme au poste de grande garde, où il fut reconnu: c'était un mobile, du 57e de marche, qui désertait. Le sous-lieutenant Berruet qui commandait le poste me chargea de prendre deux hommes et, avec eux, de conduire le déserteur au commandant du hameau des Forges. Le commandant Duringe auquel je présentai mon pri- sonnier était à table; entre deux bouchées, il me dit qu'on aurait mieux fait d'envoyer une balle dans la tête du déser- teur que de s'en embarrasser, puis il me donna l'ordre de le conduire au chef de son bataillon, au fort des Barres. Mes deux hommes, Vignard et Villedieu et moi-même, nous enragions d'avoir attrapé cette corvée ; nous venions de faire vingt-quatre heures de grand'garde et nous avions grand besoin de repos ; mais il fallait obéir et, tout en maugréant contre notre prisonnier, nous prîmes le chemin de Belfort, pour de là gagner le fort des Barres. La ville subissait, ce même jour, un redoublement de bombardement ; l'ennemi avait diminué un peu son feu sur les ouvrages des fortifications pour l'augmenter sur les habi- tations des particuliers; la canonnade serrée et sans trêve des Prussiens démolissait les maisons des habitants ou les incendiait. Cette fureur de l'ennemi était la seule réponse qu'il faisait à la demande exprimée la veille par une députation X" 2. — Février IQOI. 9