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I30                UN FUSIL QUI A PEUR

suisse, qui s'était présentée au général de Treskow, au nom
du Président de la Confédération helvétique. Cette dépu-
tation était venue supplier les assiégeants de laisser sortir de
Belfort les femmes, les enfants et les vieillards, se chargeant
de leur transport et de leur entretien à Porrentruy. Le
général commandant les forces allemandes concentrées
autour de Belfort n'avait pas répondu à la généreuse inter-
vention de charitables voisins qui avaient pris en pitié les
malheureux de la cité alsacienne; par un bombardement
furieux il voulait accabler Belfort, ne pas y laisser le
moindre abri, la réduire en cendre et, sans pitié il condam-
nait tous les habitants à vivre dans des caves malsaines, au
sein d'une violente épidémie varioleuse qui décimait déjà
la population et même la garnison.
   C'était surtout des batteries établies au devant du village
d'Essert, entre le Mont et Bavilliers, que les Allemands
bombardaient la ville ; aussi plus nous approchions du fort
des Barres et moins nous avions à redouter les projectiles ;
ceux-ci passaient au-dessus de nos tètes, saui quelques-uns
pourtant qui tombaient sur le faubourg de France et sur le
quartier neuf des Ancêtres.
   Arrivés au fort des Barres, nous ne trouvâmes pas d'abord
l'officier auquel j'avais l'ordre de remettre mon prisonnier.
Comme il y avait eu dans la matinée de ce jour des mou-
vements de troupes allemandes entre Chalonvillars, Essert,
Bavilliers, Argiesans et Andelmans,les mobiles casernes aux
forts de Bellevue et des Barres étaient sortis en armes et
une grande partie avait été déployée en tirailleurs devant
le front des ouvrages avancés, leurs lignes à cheval sur la
voie du chemin de fer, à gauche de Danjoutin, sur la route
de Besançon, devant Bellevue et sur la route de Paris, en
avant du hameau des Barres.