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LES PATRONS DU SIRIUS. 533
honnêtes au point de mériter une confiance illimitée... j'en-
tends de ces hommes entre les mains de qui on peut laisser
sa bourse, son honneur ou sa femme et dormir sur les
deux oreilles......
Moi, j'en connais quelques-uns Et je classe, en
tête, maître Lambert, ex-patron du Sirius N°
Je déclare lui donner un nom d'emprunt et omettre à des-
sein le numéro du Sirius. Ce que j'ai à raconter blesserait la
modestie du brave homme et, par malheur, un autre senti-
ment.
Le portrait physique de maître Lambert est déjà tracé.
Tous les patrons se ressemblent, comme tous les conducteurs
de messageries, comme les vieux savants, comme les ramo-
neurs, comme les princes russes, comme les joueurs d'orgue,
commes les frèresignorantins, comme les chiffonniers, comme
les attachés d'ambassade, comme tous ceux enfin qui mènent
un genre de vie en dehors de l'existence ordinaire. Les traits
diffèrent sans doute ; maisles habitudes particulières à chaque
profession donnent, à des physionomies diverses, un même
cachet et une commune expression un air de famille.
Qu'ils soient de Condrieu ou d'Àiguesmortcs, les pilotes ont
le regard assuré, accoutumé à sonder l'espace et à mesurer
les distances. Leur teint est bronzé par le hâle, le mistral et
la pluie. Leur démarche souple et ferme à la fois s'équilibre
sur un trottoir comme sur une planche branlante. Ils ont la
voix sonore et Je rude parler des gens obligés a transmettre
rapidement et énergiquementleur pensée. Tous sont robustes ,
et pour cause.... Les délicats et les malingres meurent tout
de suite.
Au demeurant, maître Lambert passait pour un joyeux
compagnon, buvant sec sans se griser, prêt à rendre service
et à soutenir le faible contre le fort, ce qui changeait inévitable-
ment la balance, attendu que ses coups de poing pesaient 10