Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
          MOUVEMENT PHILOSOPHIQUE EN ALLEMAGNE.         213

trui. Les âpres moqueries qu'il dirigea successivement
contre tous ses anciens alliés lui rendirent encore plus
que la politique le séjour de l'Allemagne impossible. Ses
derniers livres qu'il écrivit en allemand et en français
sont des documents bien suspects de partialité, mais
bien curieux, sur l'histoire de la pensée allemande dans
notre siècle.
   Sur un point pourtant tout parallèle cesse entre Henri
Heine et Voltaire. Heine, comme tous les grands poètes
de l'Allemagne, eut au pins haut degré cette inspiration
lyrique qui dans son livre des odes (Buch der Liedcr) en
fait le digne rival de Goethe et de Schiller. L'esprit net
etsarcastique de Voltaire manque d'enthousiasme. Dans
Heine, au contraire, l'émotion la plus pénétrante, parfois
 même le mysticisme, se trouve à côté des pages où étin-
celle une verve railleuse. Singulier génie qui attire et
repousse à la fois, qui remue l'âme dans ses dernières
profondeurs, et éclate de rire au moment où les larmes
du lecteur vont couler. En tenant compte de la diffé-
rence des races et des littératures, il forme avec Byron
et Alfret de Musset, une sorte de trio d'humoristes ;
génies puissants, il est vrai, mais qu'on ne saurait
compter au nombre des bienfaiteurs de l'humanité ; qui
charment souvent l'esprit, mais outragent la morale;
qu'il faut connaître sans doute, mais sur les traces des-
quels il est toujours dangereux de marcher.
   Heine n'eut du reste sur la pensée allemande aucune
influence sérieuse. Il étonna, séduisit, irrita l'Allemagne,
et ne la dirigea point. La moquerie sait ébranler ou dé-
truire, elle ne sait rien fonder. Il est souverainement
regrettable que Goethe ne se soit jamais attaché à une